Modifier la Constitution française pour reconnaitre
les droits linguistiques des minorités linguistiques de France
Résolution Diwan, Kevre Breizh, Institut d’études occitanes,
adoptée à l’unanimité de l’Assemblée générale du Réseau européen pour l’égalité des langues, Bilbao, 9 novembre 2024
Le 31 mai 2022, le rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, la rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels et la rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation ont interpelé le gouvernement français sur la censure par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion votée le 8 avril 2021 par l’Assemblée nationale à une très forte majorité (247 pour, 76 contre). (OL FRA 3/2022)
Les trois rapporteurs et rapporteuses spéciales du Conseil des droits de l’homme craignaient « que l’adoption et l’application de cette décision puisse entrainer des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France. »
De fait, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 4 de la loi autorisant l’enseignement immersif en langue régionale « méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement ». Sachant que selon cet article 4 la maitrise du français est parfaitement assurée.
D’autre part, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 9 permettant l’usage des signes diacritiques des langues régionales pour orthographier les noms des personnes à l’état civil.
Cette censure a été décidée, contre la majorité parlementaire, sous l’égide notamment de l’article 2 de la Constitution française : « la langue de la République est le français », datant de juin 1992 au moment même où le Conseil de l’Europe adoptait la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qu’elle a fini par signer sous le gouvernement de gauche de Lionel Jospin le 7 mai 1999, mais que le Conseil constitutionnel a déjà censuré dès le 15 juin au nom de « l’égalité et de l’indivisibilité de la République » et du « principe d’unicité du peuple français ». Principe « d’unicité » qui ne figure pas en tant que tel dans la Constitution.
Dans les faits, le pouvoir central français dans l’Hexagone et dans les territoires dits d’Outre-mer, mène, depuis en particulier la période de la Terreur en 1793, et sous différents régimes une politique d’éradication des langues autres que le français, manifestée par le fameux rapport de l’Abbé Grégoire en 1794 sur « la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française ». Cette politique s’est traduite par l’interdiction des différentes langues territoriales à l’école et des sévices contre les enfants qui parlaient leur propre langue.
En faisant du français la seule « langue de la liberté » le pouvoir central français adoptait un principe raciste ainsi que le dénonçait la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) en 2015 dans son rapport sur la France.
Il a fallu attendre une loi de 1951 pour que 4 langues, breton, basque, catalan et occitan voient les portes de l’école s’entrouvrir avant de s’étendre progressivement aux 75 autres langues recensées dans l’ensemble des territoires dominés par Paris dans le monde.
Des avancées ont été obtenues sous la pression des différents peuples et communautés linguistiques, notamment par la création de leurs propres écoles et l’action de parents d’élèves ou d’enseignants, de collectivités régionales ou locales.
Le Conseil d’État et les tribunaux administratifs annulent les délibérations des collectivités territoriales de Polynésie française, de Corse, de Catalogne nord (Pyrénées orientales), de Martinique qui permettent l’usage officiel de leurs langues propres à côté du français.
La politique toujours menée par l’État, malgré les lois et les accords signés conduit inéluctablement à la disparition progressive de la diversité linguistique de l’ensemble des territoires et à l’assimilation forcée des différentes « minorités ».
Comme elle l’affirme notamment au comité des droits économiques, sociaux et culturels « la France ne reconnait pas en son sein l’existence de minorités disposant en tant que telles de droits collectifs opposables dans son ordre juridique » (2 avril 2008, § 331),
Ainsi, la France viole toujours la plupart des textes internationaux qu’elle a adoptés ou ratifiés à commencer par les articles 1 et 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui affirme que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » … « sans distinction aucune » notamment de langue.
On rappellera aussi
- l’article 2 du Pacte international des droits civils et politiques et son article 27 sur les droits des minorités,
- l’article 2 du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels et ses articles 13 à 15 sur le droit à l’éducation gratuite et sur les droits culturels
- la convention internationale des droits de l’enfant, l’article 2 et les articles 28 et 29
- la déclaration universelle de l’Onu sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou éthniques, religieuses et linguistiques.
Les conventions de l’Unesco :
- la convention internationale contre la discrimination dans l’enseignement (1962) et l’article 5c
- la convention de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine immatériel (2003)
- la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005)
Conseil de l’Europe :
- La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 14 sur la non-discrimination notamment de langue (1950)
- La charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires (1992)
- La convention cadre européenne pour la protection des minorités nationales (1994)
- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000)
C’est pourquoi la France refusant la reconnaissance des droits de ses différentes composantes au nom d’une supposée et théorique « unicité du peuple français » de langue et de culture uniquement française selon sa constitution, viole les textes fondamentaux reconnus à l’échelle internationale.
Dès lors, nous en appelons à la communauté internationale pour que la France adapte sa Constitution à la reconnaissance de tous les droits fondamentaux humains, y compris les droits des minorités.
Source : « Résolution Diwan, Kevre Breizh, Institut d’études occitanes, adoptée à l’unanimité de l’Assemblée générale, Bilbao, 9 novembre 2024 : Modifier la Constitution française pour reconnaître les droits linguistiques des minorités linguistiques de France », par le Réseau européen pour l’égalité des langues, sur le site de Diwan, 14 novembre 2024.