Justice pour nos langues !

Lettre aux juges de Baiona : “Justice pour la langue basque !”
par Gorka Roca Torre

Mesdames et messieurs les juges du tribunal judiciaire de Baiona, agur,

Vous m’avez jugé en mars, pour ma participation à des actions dénonçant le traitement injuste infligé à la langue basque par les dirigeants de l’État français. Au début du procès, je vous avais fait part de ma volonté de déclarer en langue basque. Le procureur s’y était opposé, car à son avis je maîtrisais bien le français, si je déclarais en basque le procès s’allongerait à cause de la traduction, et selon la Constitution française il fallait m’interdire de déclarer en basque.

Suivant les avis du procureur, la juge principale m’interdit de déclarer en langue basque. Je commençais alors à lui expliquer en français pourquoi je voulais déclarer en basque. Elle me coupa la parole sur le champ et m’empêcha de donner des explications.

Cette attitude injuste de la juge indiqua dès le début que le procès-même était injuste. En effet, comment un juge peut juger avec justice des actions dénonçant le traitement injuste infligé à la langue basque, si ce juge-même inflige à la langue basque un traitement injuste ? Dans le problème de la langue française au Pays Basque, les juges sont juges et partie. C’est le cas de le dire.

Ainsi, je décidais de ne pas participer à ce procès injuste et je sortais du tribunal. Si la juge m’avait laissé m’exprimer, je lui aurais dit que les avis du procureur qu’elle avait suivis n’étaient pas des justifications justes.

En effet, le fait de maîtriser le français en plus de la langue basque ne justifie pas l’interdiction de déclarer en basque. Je parle souvent en français et en castillan, j’aime beaucoup ces deux langues, mais il est légitime que les bascophones puissent vivre en langue basque au Pays Basque.

Le fait de déclarer en basque allongerait le procès à cause de la traduction ? Ce sont celles et ceux qui ne comprennent pas la langue basque qui allongeraient l’audience ! Nous pouvons aider les procureurs et juges qui ne comprennent pas la langue basque à l’apprendre.

Si la Constitution française interdit aux bascophones de déclarer en langue basque, c’est une Constitution injuste, inhumaine et linguicide, et les juges ont le devoir éthique de lui désobéir.

Je suis donc sorti du tribunal, et vous avez continué le procès, injustement, car tout procès doit être contradictoire ; l’accusé a en effet le droit de déclarer, ce que vous m’avez interdit. Vous m’avez empêché d’expliquer pourquoi nous avions fait ces actions de dénonciation. Et vous m’avez lourdement condamné : un mois de prison avec sursis et 500 € d’amende.

Afin de dénoncer l’interdiction faite aux lycéens de passer le baccalauréat en langue basque, le 17 mai nous avons inscrit en langue basque « Arrêtez d’opprimer la langue basque » sur le mur extérieur de la Sous-Préfecture de Baiona.

En 2022 et 2023, pour demander que la priorité soit donnée à la langue basque, nous avons démonté des panneaux de signalétique en français dans onze communes de Basse Navarre et nous les avons déposés à côté du pont Bizkaia de Portugalete. L’Unesco a nommé patrimoine culturel commun de l’humanité ce pont. Or avec toutes les autres langues du monde, la langue basque fait partie du patrimoine culturel commun de l’humanité. Cependant, les dirigeants des États français et espagnols oppriment la langue basque et l’Unesco reste muette face à cette situation.

Le 10 septembre je serai jugé à Baiona pour avoir participé à ces actions. J’ai l’intention de déclarer en langue basque à ce procès aussi. Pour la beauté de la diversité linguistique, ainsi que pour réaliser la justice pour la langue basque, laissez-moi déclarer en euskara.

Veuillez agréer, mesdames et messieurs les juges, l’expression de mes sincères salutations.

Behorlegi, le 27 août 2024