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Recommandations de Lund sur la participation effective
des minorités nationales à la vie publique

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) soutient une importante série de recommandations concernant les droits à l’éducation des minorités nationales1. Ces dernières ont été publiées en septembre 1999 par la Fondation pour les relations inter-ethniques, à laquelle le Haut-Commissaire pour les minorités nationales (HCMN) de l’OSCE avait fait appel en vue de leur réalisation, et qui a travaillé en coopération avec l’Institut Raoul Wallenberg. L’ensemble des recommandations sont reproduites ici, accompagnées d’extraits de l’introduction, et sans la note explicative.

Introduction

[…] La société civile devait donc être ouverte et flexible et, par conséquent, intégrer toutes les personnes, dont celles qui appartiennent à une minorité nationale. Par ailleurs, étant donné que la gestionavisée et démocratique des affaires publiques vise à pourvoir aux besoins de lapopulation toute entière et à en servir les intérêts, il a été supposé que tous les gouvernements cherchent à faire en sorte que les personnes que touchent les décisions des pouvoirs publics aient la possibilité de contribuer au maximum à la prise de ces décisions. (Page 6).

Comme les recommandations antérieures (de La Haye et d’Oslo), les Recommandations de Lund visent à encourager et à faciliter l’adoption, par les États, de mesures concrètes propres à réduire les tensions en rapport avec les minorités nationales et à faire ainsi avancer l’objectif final du Haut Commissaire, qui est de prévenir les conflits. Les Recommandations de Lund sur la participation effective des minorités nationales à la vie publique cherchent à préciser, dans des termes relativement univoques, et à développer la portée des droits des minorités et des autres normes généralement applicables dans les situations appelant une intervention du Haut Commissaire. Ces normes ont été interprétées concrètement d’une manière qui en garantit l’application cohérente dans des sociétés ouvertes et démocratiques. […] (Pages 6-7.)

Principes généraux

1. La participation effective des minorités nationales à la vie publique est un élément essentiel de toute société pacifique et démocratique. L’expérience acquise, notamment en Europe, montre que, pour promouvoir cette participation, les pouvoirs publics ont souvent besoin d’arrêter des dispositions particulières à l’intention des minorités nationales. Les présentes recommandations visent à faciliter l’insertion des minorités à l’intérieur de l’État et à permettre aux minorités de préserver leur propre identité et leurs propres caractéristiques, favorisant ainsi une bonne gestiondes affaires publiques et l’intégrité de L’État.

2. Les présentes recommandations se basent sur les règles et principes fondamentaux de droit international, tels que le respect de la dignité humaine, l’égalité des droits et la non-discrimination, étant donné que ces règles et principes influent sur le droit des minorités nationales de participer à la vie publique et de jouir d’autres droits politiques. Les États ont l’obligation de respecter les droits de l’homme et la règle de droit internationalement reconnus, qui permettent le plein développement de la société civile dans des conditions de tolérance, de paix et de prospérité.

3. Lorsque des institutions spécifiques sont créées pour garantir la participation effective des minorités à la vie publique, ce qui peut inclure l’exercice de pouvoirs ou de responsabilités par ces institutions, elles doivent respecter les droits de l’homme de tous les intéressés.

4. Toute personne se donne elle-même de maintes façons une identité en plusde son identité comme membre d’une minorité nationale. La décision de savoir si une personne est membre d’une minorité ou d’une majorité, ou ni de l’une ni de l’autre, relève de la personne elle-même et ne doit pas lui être imposée. En outre, il ne doit résulter d’un tel choix ou refus de choisir aucun désavantage pour l’intéressé.

5. S’agissant de la création d’institutions et de procédures conformément aux présentes recommandations, tant la substance que la manière de procéder sont importantes. Les pouvoirs publics et les minorités devraient engager un processus de consultation transparent, ouvert et responsable, de manière à préserver un climat de confiance. L’État devrait encourager les médias publics à favoriser la compréhension interculturelle et à traiter des préoccupations des minorités.

II. Participation à la prise de décisions

A. Dispositions au niveau de l’administration centrale

6. Les États devraient garantir que les minorités aient la possibilité d’avoir une voix efficace au niveau de l’administration centrale, notamment, si besoin est, par des dispositions spéciales qui, selon les circonstances, peuvent consister en :

B. Élections

7. L’expérience acquise, notamment en Europe, démontre l’importance du processus électoral pour faciliter la participation des minorités à la vie politique. Les États doivent garantir le droit des personnes appartenant à des minorités nationales de prendre part à la conduite des affaires publiques, notamment grâce au droit de voter ou de se porter candidat, sans discrimination.

8. Les règlements applicables à la formation et à l’activité de partis politiques doivent être conformes au principe de droit international concernant la liberté d’association. Ce principe inclut la liberté de créer des partis politiques basés sur des caractéristiques communautaires de même que des partis qui ne sont pas identifiés exclusivement avec les intérêts d’une communauté déterminée.

9. Le système électoral devrait faciliter la représentation et l’influence des minorités.

10. Le découpage des circonscriptions électorales devrait permettre aux minorités nationales d’être représentées de manière équitable.

C. Dispositions aux niveaux régional et local

11. Les États devraient adopter des mesures visant à promouvoir la participation des minorités nationales aux niveaux régional et local, telles que celles qui sont mentionnées ci-dessus à propos de l’administration centrale (paragraphes 6 à 10). Il faudrait rendre les structures et les méthodes de prise de décisions des autorités locales et régionales transparentes et accessibles de manière à encourager la participation des minorités.

D. Organes consultatifs

12. Les États devraient créer, dans des cadres institutionnels appropriés, des organes consultatifs qui servent de moyens de dialogue entre les autorités gouvernementales et les minorités nationales. Ces organes pourraient également comprendre des comités spéciaux qui aient pour objectif d’aborder entre autres les questions suivantes : logement, terres, éducation, langues et culture. La composition de ces organes devrait refléter leur objectif et contribuer à une meilleure communication et faire avancer la cause des minorités.

13. Ces organes devraient être en mesure de soulever des questions auprès des décideurs, d’élaborer des recommandations, de formuler des propositions législatives et autres, de suivre l’évolution de la situation et de donner leur opinion sur les projets gouvernementaux mettant en cause des décisions qui peuvent directement ou indirectement toucher les minorités. Les autorités gouvernementales devraient consulter régulièrement ces organes en ce qui concerne la législation et les mesures administratives relatives aux minorités afin de pouvoir répondre aux préoccupations des minorités et contribuer à l’instauration de la confiance. Pour bien fonctionner, ces organes auront besoin de ressources suffisantes.

III. Autogestion

14. La participation effective des minorités à la vie publique peut nécessiter des dispositions non territoriales ou territoriales en matière de gestion autonome ou une combinaison des deux. Les États devraient consacrer des ressources suffisantes à ces dispositions.

15. Il est indispensable, pour le succès de ces dispositions, que les autorités gouvernementales et les minorités reconnaissent la nécessité d’une prise de décisions centralisée et uniformisée dans certains domaines de la gestion des affaires publiques en même temps que les avantages de la diversité dans d'autres domaines.

16. Les institutions d’autogestion, qu’elles soient non territoriales ou territoriales, doivent se fonder sur des principes démocratiques afin qu’ils reflètent réellement les vues de la population concernée.

A. Dispositions non territoriales

17. Les formes non territoriales de gestion sont utiles pour sauvegarder et développer l’identité et la culture des minorités nationales.

18. Parmi les questions les plus susceptibles d’être réglementées en vertu de ces dispositions figurent l’éducation, la culture, l’utilisation des langues des minorités, la religion et d’autres questions d’importance fondamentale pour l’identité et le mode de vie des minorités nationales.

B. Dispositions territoriales

19. Toutes les démocraties ont pris des dispositions pour la gestion des affaires publiques à différents niveaux territoriaux. L’expérience acquise en Europe et ailleurs montre le bien-fondé d’un transfert de certaines fonctions législatives et exécutives du niveau central au niveau régional, qui va au-delà de la simple décentralisation de l’autorité centrale de la capitale vers des bureaux régionaux ou locaux. Sur la base du principe de subsidiarité, les États devraient envisager favorablement de telles délégations de pouvoirs sur une base territoriale incluant des fonctions spécifiques d’autogestion, en particulier là où cela permettrait aux minorités d’améliorer leurs chances d’exercer un pouvoir sur les questions les concernant.

20. Des administrations locales, régionales ou autonomes appropriées qui correspondent à la situation historique et territoriale spécifique des minorités nationales peuvent assumer un certain nombre de fonctions afin de répondre plus efficacement aux préoccupations de ces minorités.

21. Les autorités locales, régionales et autonomes doivent respecter et garantir les droits de l’homme de tous les individus y compris les droits de toute minorité relevant de leur compétence.

IV. Garanties

A. Garanties constitutionnelles et juridiques

22. Les dispositions en matière d’autogestion devraient être fixées par la loi et, en règle générale, ne pas pouvoir être modifiées de la même manière que les lois et règlements ordinaires. Les dispositions visant à promouvoir la participation des minorités au processus de prise de décisions peuvent être définis par la loi ou par d’autres moyens appropriés.

23. La possibilité de recourir à des dispositions provisoires ou mises en place progressivement qui permettent de mettre à l’essai et de développer de nouvelles formes de participation peut être envisagée. Ces dispositions peuvent être arrêtées par la loi ou de moyens informels pour une durée déterminée qui peut être prorogée, modifiée ou terminée en fonction des résultats obtenus.

B. Recours

24. La participation effective des minorités nationales à la vie publique requiert des moyens de consultation bien établis pour la prévention des conflits et le règlement des différends ainsi que, le cas échéant, des mécanismes ad hoc ou alternatifs. Parmi ces méthodes figurent notamment :

Note :

  1. Recommandations de Lund sur la participation effective des minorités nationales à la vie publique & Note explicative (Bureau du Haut-Commissaire pour les minorités nationales, septembre 1999).