Justice pour nos langues !

Recommandations de 2020 relatives à l’éducation,
à la langue et aux droits de l’homme des minorités

Le Forum sur les questions relatives aux minorités, à sa 12e session, consacrée au thème « L’éducation, la langue et les droits de l’homme des minorités », a formulé une importante série de recommandations1. Ces dernières ont été publiées par les Nations unies le 22 janvier 2020. Les quelques extraits du document qui suivent mettent en lumière les réformes urgentes qui seraient à mettre en œuvre en France principalement dans le domaine de l’enseignement.

I. Introduction

6. Les présentes recommandations sont destinées à être mises en œuvre partout dans le monde afin d’aider les États à mieux comprendre leurs obligations en matière de droits de l’homme relatives à l’éducation et aux minorités et à élaborer des stratégies visant à assurer le plein respect des normes universelles relatives aux droits de l’homme.

II. Recommandations générales

8. Les États devraient ratifier tous les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme qui ont pour objet de protéger et de promouvoir les droits des minorités, y compris ceux relatifs au droit à l’éducation dans la langue maternelle et l’enseignement de celle-ci.

9. Les États devraient assurer la pleine application de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, en particulier de la disposition qui précise que les personnes appartenant à des minorités ont le droit d’utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement, et sans ingérence ni discrimination quelconque.

10. Tous les États […] devraient s’employer à faire connaître les bienfaits de l’éducation dans la langue maternelle, de l’enseignement de celle-ci et du multilinguisme.

13. Les institutions nationales des droits de l’homme devraient prendre des mesures pour promouvoir l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues dans leurs pays respectifs.

15. Les États sont encouragés à renforcer la coopération internationale et régionale afin de mettre en commun les compétences, les connaissances et les bonnes pratiques en matière d’éducation dans les langues minoritaires et d’enseignement de ces langues.

17. Il conviendrait également, dans la mesure du possible, de mettre différentes méthodes d’apprentissage, comme l’enseignement à domicile […], les nouvelles technologies, y compris les réseaux sociaux, les applications mobiles et d’autres outils en ligne, au service de l’éducation dans les langues minoritaires, de l’enseignement de ces langues et de la préservation des cultures qui y sont associées.

III. Recommandations visant à promouvoir l’éducation dans les langues minoritaires selon une approche fondée sur les droits de l’homme

18. Les États devraient prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la discrimination à l’égard des minorités et garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous, dans des conditions d’égalité, notamment en reconnaissant et en respectant le fait que les droits linguistiques font partie intégrante des droits de l’homme.

19. Les États devraient garantir l’accès à l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues, afin de garantir l’égalité entre les personnes de différentes origines linguistiques.

22. Les États devraient veiller à ce que l’enseignement des langues minoritaires soit dispensé dans des cadres institutionnels garantissant le respect de la diversité linguistique et culturelle, sans […] stigmatisation […] à l’égard des minorités.

25. Les États devraient prendre conscience de l’importance des environnements d’apprentissage respectueux et habilitants qui incluent les langues minoritaires et promouvoir leur mise en place pour assurer le plein épanouissement des personnes et renforcer leur capacité de participer véritablement à la vie sociale, politique, économique et culturelle et de prendre des décisions éclairées.

27. Les États devraient veiller à ce que l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues ne fassent l’objet d’aucune restriction. Ils devraient veiller à ce que les minorités ne fassent pas l’objet d’une assimilation forcée notamment par une interdiction de l’éducation dans leur langue maternelle ou de l’enseignement de celle-ci.

29. Les États membres devraient envisager d’élaborer un instrument juridique international relatif aux droits de l’homme des minorités, qui inclurait des dispositions sur les droits des minorités en matière d’éducation dans leur langue et d’utilisation de celle-ci, en consultation avec le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités et d’autres parties prenantes.

IV. Recommandations visant à définir des objectifs de politique publique pour l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues et à les atteindre

30. Les États devraient adopter une politique d’éducation qui garantit le droit à l’éducation dans la langue maternelle et la mettre en œuvre à tous les niveaux, dans la mesure du possible. Une telle politique devrait inclure des normes minimales relatives à l’utilisation des langues minoritaires dans l’enseignement public, ainsi qu’un système intégré de suivi et d’évaluation.

31. Les États devraient tenir compte de la question de l’éducation dans les langues minoritaires dans leurs stratégies relatives à la réalisation de l’objectif de développement durable 4, qui consiste à assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.

32. Les États ne devraient pas interpréter de manière restrictive les critères de faisabilité concernant l’utilisation des langues minoritaires dans l’enseignement public, telle qu’une demande suffisante en ce qui concerne l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de celles-ci, mais au contraire s’en servir activement comme d’un outil permettant de répondre aux besoins des minorités linguistiques, l’utilisation de la langue maternelle comme moyen d’instruction devant être accueillie le plus favorablement possible.

34. Les États devraient prendre conscience des avantages à moyen et à long terme liés à l’intégration d’une approche de politique publique multilingue pour tous, promouvoir une telle approche et faire de sa mise en œuvre une priorité.

35. Les États devraient allouer les ressources nécessaires pour promouvoir et garantir l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues.

36. Les États devraient faire en sorte que les minorités puissent accéder aux services administratifs, juridiques et médicaux dans leurs langues.

39. Les États devraient mettre l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues au service de l’inclusion sociale et de l’égalité, et lutter contre toute perception selon laquelle une telle approche menacerait la cohésion sociale et l’unité nationale.

40. Les États devraient prendre conscience du rôle essentiel que jouent les organisations de la société civile dans la revitalisation et la normalisation des langues minoritaires et systématiser et soutenir financièrement les bonnes pratiques que ces organisations ont mises au point en matière d’éducation dans les langues minoritaires.

V. Recommandations visant à définir des objectifs de politique publique pour l’éducation dans les langues minoritaires et l’enseignement de ces langues et à les atteindre

41. Les États devraient veiller à ce que les écoles qui enseignent dans des langues minoritaires reçoivent les ressources et le soutien voulus, de manière proportionnée, pour assurer une éducation de qualité, inclusive et équitable. Des mesures devraient être prises pour veiller à ce que le financement accordé permette de mettre en œuvre durablement les programmes d’éducation dans les langues minoritaires, y compris en finançant l’achat de manuels scolaires dans ces langues et le fonctionnement d’écoles qui utilisent ces langues.

42. Les États devraient prendre les mesures législatives et administratives voulues pour promouvoir une éducation dans les langues minoritaires qui soit efficace sur le plan pédagogique et qui tienne compte des compétences des élèves appartenant à des minorités.

43. Les États devraient former les enseignants aux méthodes de planification des cours dans différentes matières en fonction des besoins des apprenants de langues minoritaires. Les établissements scolaires sont encouragés à recruter des enseignants qui parlent des langues minoritaires.

44. Les États devraient élaborer et financer des programmes de formation et de perfectionnement des enseignants de langues minoritaires dans les écoles et les universités et promouvoir ces programmes auprès des communautés minoritaires.

45. Les États devraient veiller à ce que les enfants des communautés minoritaires vivant dans des zones rurales ou éloignées aient accès à l’éducation dans des langues minoritaires, notamment en améliorant les infrastructures et en fournissant des moyens de transport si nécessaire.

46. Les États devraient faire participer les minorités à l’élaboration de programmes pédagogiques et à la création de matériel adapté à leur langue et à leur culture et aux écoles qui les accueillent. Les parents et les enfants appartenant à des minorités devraient participer à la prise des décisions concernant l’éducation dans les langues minoritaires.

48. Les États devraient veiller à ce que les élèves appartenant à une minorité puissent passer les épreuves scolaires dans leur principale langue d’enseignement.

49. Les élèves issus de minorités ayant reçu une instruction principalement dans leur langue maternelle dans des écoles publiques devraient pouvoir passer tout test d’admission à l’enseignement supérieur dans cette langue ou bénéficier d’un autre mécanisme d’admission, pour veiller à ce qu’ils ne soient pas injustement exclus de l’enseignement supérieur.

VI. Recommandations concernant l’éducation, les langues et l’autonomisation des femmes et des filles issues de minorités

54. Les États devraient veiller à ce que les programmes scolaires ne véhiculent pas de stéréotypes sur les minorités, notamment sur les femmes et les filles des minorités, en raison de leur appartenance ethnique et de leur sexe. […]

57. Les États devraient associer les femmes des minorités à la prise de décisions concernant l’éducation dans leur langue et l’enseignement de celle-ci.

Note :

  1. Recommandations formulées par le Forum sur les questions relatives aux minorités à sa douzième session, consacrée au thème « L’éducation, la langue et les droits de l’homme des minorités » – Rapport du Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités (Nations unies, 22 janvier 2020).