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Recommandations de La Haye concernant
les droits des minorités nationales à l’éducation

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) soutient une importante série de recommandations concernant les droits à l’éducation des minorités nationales1. Ces dernières ont été publiées en octobre 1996 par la Fondation pour les relations inter-ethniques, à laquelle le Haut-Commissaire pour les minorités nationales (HCMN) de l’OSCE avait fait appel en vue de leur réalisation. L’ensemble des recommandations sont reproduites ici, accompagnées d’extraits de l’introduction, et sans la note explicative.

Introduction

[…] L’éducation des minorités, en particulier l’éducation dans la langue minoritaire, est une grande priorité […] depuis que, comme l’a récemment déclaré le HCMN, « il est clair que l’éducation est un élément extrêmement important pour la préservation et l’approfondissement de l’identité des personnes appartenant à une minorité nationale. » […] (Page 5.)

L’esprit des instruments internationaux

1. Le droit des personnes appartenant à des minorités nationales de conserver leur identité ne peut être pleinement réalisé que si ces personnes acquièrent une bonne connaissance de leur langue maternelle au cours de leur études. Inversement, les personnes appartenant à des minorités nationales ont le devoir de s’intégrer à la société nationale par l’acquisition d’une bonne connaissance de la langue officielle de l’État.

2. Lorsqu’ils appliquent des instruments internationaux qui peuvent être bénéfiques aux personnes appartenant à des minorités nationales, les États devraient constamment s’attacher à respecter les principes fondamentaux d’égalité et de non-discrimination.

3. Il faudrait garder à l’esprit que les obligations et les engagements internationaux pertinents constituent des normes internationales minimales. Il serait contraire à leur esprit et à leur objet de les interpréter d’une façon restrictive.

Mesures et ressources

4. Les États devraient avoir une approche dynamique des droits des minorités à l’éducation. Lorsque cela est nécessaire, ils devraient adopter des mesures spéciales pour réaliser activement le droit à l’apprentissage des langues des minorités au maximum de leurs ressources disponibles, soit individuellement, soit dans le cadre de l’assistance et de la coopération internationales, en particulier dans les domaines économique et technique.

Décentralisation et participation

5. Les États devraient créer les conditions propres à permettre à des institutions représentatives des membres des minorités nationales en question de participer effectivement à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de programmes relatifs à l’éducation des minorités.

6. Les États devraient doter les autorités locales de compétences appropriées dans le domaine de l’éducation des minorités, et faciliter ainsi la participation des minorités au processus d’élaboration de principes d’action aux niveaux régional et/ou local.

7. Les États devraient adopter des mesures pour encourager les parents à participer au système d’éducation au niveau local, notamment dans le domaine de l’enseignement des langues des minorités, ainsi qu’à faire des choix en la matière.

Établissements publics et privés

8. En vertu du droit international, les personnes appartenant à des minorités nationales ont, comme les autres, le droit de fonder et d’administrer leurs propres établissements d’enseignement privé conformément à la législation interne. Ces établissements peuvent être des écoles enseignant dans la langue de la minorité concernée.

9. Étant donné que les personnes appartenant à des minorités nationales ont le droit de fonder et d’administrer leurs propres établissements d’enseignement, les États ne peuvent pas faire obstacle à l’exercice de ce droit en assujettissant ces actes àdes prescriptions légales et administratives indûment contraignantes.

10. Les établissements privés d’enseignement utilisant une langue d’une minorité ont le droit de rechercher, sans subir aucune entrave ni discrimination, leurs propres sources de financement auprès de l’État, de sources internationales et du secteur privé.

Enseignement primaire et secondaire

11. Les premières années d’enseignement ont une importance déterminante pour le développement de l’enfant. Les recherches pédagogiques font apparaître que le véhicule idéal de l’enseignement aux niveaux des établissements préscolaires et des jardins d’enfants est la langue de l’enfant. Chaque fois que cela est possible, les États devraient créer les conditions propres à permettre aux parents de tirer parti de cette possibilité.

12. Les recherches pédagogiques font apparaître en outre qu’idéalement l’enseignement primaire devrait être assuré dans la langue de la minorité. Celle-ci devrait être couramment enseignée comme matière. La langue officielle de l’État devrait aussi être couramment enseignée comme matière, de préférence par des enseignants bilingues ayant une bonne connaissance du milieu culturel et linguistique des enfants. Vers la fin du cycle primaire, quelques matières pratiques ou non théoriques devraient être enseignées dans la langue de l’État. Chaque fois que cela est possible, les États devraient créer les conditions propres à permettre aux parents de tirer parti de cette possibilité.

13. Au niveau secondaire, une partie substantielle du programme devrait être enseignée dans la langue de la minorité. Celle-ci devrait être couramment enseignée comme matière. La langue de l’État devrait aussi être couramment enseignée comme matière, de préférence par des enseignants bilingues ayant une bonne connaissance du milieu culturel et linguistique des enfants. Tout au long du cycle secondaire, le nombre de matières enseignées dans la langue de l’État devrait être progressivement augmenté. D’après les recherches, plus l’augmentation est progressive, mieux elle convient à l’enfant.

14. L’enseignement de la langue d’une minorité aux niveaux primaire et secondaire dépend beaucoup de l’existence d’enseignants qualifiés pour enseigner toutes les matières dans la langue maternelle. En conséquence, pour s’acquitter de l’obligation qui leur incombe d’offrir des possibilités adéquates d’enseignement des langues des minorités, les États devraient mettre en place une infrastructure adéquate pour dispenser la formation voulue aux enseignants et faciliter l’accès à cette formation.

Formation professionnelle des membres des minorités

15. La formation professionnelle dans la langue d’une minorité devrait être assurée aux personnes appartenant à ladite minorité nationale qui le désirent, qui ont donné la preuve qu’elles en ont besoin et dont le nombre le justifie.

16. Le programme d’enseignement des écoles professionnelles offrant une formation en langue maternelle devrait être conçu de façon à ce que les élèves issus de ces écoles soient en mesure d’exercer leur métier dans la langue minoritaire et dans celle de l’État.

Enseignement supérieur

17. Les personnes appartenant à des minorités nationales devraient pouvoir faire des études supérieures dans leur propre langue lorsqu’elles ont prouvé qu’elles en ont besoin et lorsque leur nombre le justifie. Un enseignement supérieur dans leur langue peut être légitimement offert aux minorités nationales en mettant en place les équipements nécessaires dans le cadre des structures d’enseignement existantes, à condition qu’ils répondent dûment aux besoins de la minorité nationale en question. Les personnes appartenant à des minorités nationales peuvent rechercher les moyens nécessaires pour fonder leurs propres établissements d’enseignement supérieur.

18. Lorsqu’une minorité nationale a, dans un passé récent, entretenu et contrôlé ses propres établissements d’enseignement supérieur, il convient d’en tenir compte pour déterminer les services à assurer ultérieurement.

Élaboration des programmes d’études

19. En raison de l’importance et du prix que les instruments internationaux attachent à l’éducation interculturelle et à la valorisation de l’histoire, des cultures et des traditions des minorités, les autorités de l’État s’occupant de l’éducation devraient veiller à faire figurer parmi les matières générales obligatoires l’enseignement de l’histoire, des cultures et des traditions des minorités nationales de leur pays. Le fait d’encourager les membres de la majorité à apprendre les langues des minorités nationales vivant dans le pays contribuerait à y renforcer la tolérance et le multiculturalisme.

20. Les programmes d’études concernant les minorités devraient être élaborés avec la participation active des organismes représentatifs des minorités en question.

21. Les États devraient faciliter la création de centres pour l’élaboration et l’évaluation des programmes d’études dans les langues des minorités. Ces centres pourraient être rattachés à des institutions existantes pour autant que celles-ci puissent faciliter la réalisation des objectifs fixés dans les programmes.

Note :

  1. Recommandations de La Haye concernant les droits des minorités nationales à l’éducation & Note explicative (Bureau du Haut-Commissaire pour les minorités nationales, octobre 1996).