Justice pour nos langues !

Recommandation 1201
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a recommandé, lors de sa 22e séance, l’adoption d’une proposition de protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales concernant les personnes appartenant à des minorités nationales1. Cette proposition de protocole additionnnel, dont un extrait est reproduit ici, figure dans la recommandation 1201, adoptée 1er février 1993.

Titre 1 – Définition

Article 1

Aux fins de cette Convention [1], l’expression « minorité nationale » désigne un groupe de personnes dans un État qui :

a. résident sur le territoire de cet État et en sont citoyens ;

b. entretiennent des liens anciens, solides et durables avec cet État ;

c. présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques ;

d. sont suffisamment représentatives, tout en étant moins nombreuses que le reste de la population de cet État ou d’une région de cet État ;

e. sont animées de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue.

[(1) Le mot « Convention » dans ce texte renvoie à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.]

Titre 2 – Principes généraux

Article 2

15. L’appartenance à une minorité nationale relève du libre choix de la personne.

16. Aucun désavantage ne doit résulter du choix de cette appartenance, ou de la renonciation à ce choix.

Article 3

17. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d’exprimer, de préserver et de développer en toute liberté son identité religieuse, ethnique, linguistique et/ou culturelle, sans être soumise contre sa volonté à aucune tentative d’assimilation.

18. Toute personne appartenant à une minorité nationale peut exercer ses droits et en jouir individuellement ou en association avec d’autres.

Article 4

Toute personne appartenant à une minorité nationale a droit à l’égalité devant la loi. Toute discrimination fondée sur l’appartenance d’une personne à une minorité nationale est interdite.

Article 5

Des modifications délibérées dans la composition démographique de la région d’implantation d’une minorité nationale, au détriment de cette dernière, sont interdites.

Titre 3 – Droits matériels

Article 6

Toutes les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de créer leur(s) propre(s) organisation(s), y compris un parti politique.

Article 7

19. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d’utiliser librement sa langue maternelle en privé comme en public, aussi bien oralement que par écrit. Ce droit s’applique aussi à l’utilisation de sa langue dans les publications et l’audiovisuel.

20. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d’utiliser son nom et ses prénoms dans sa langue maternelle et a droit à la reconnaissance officielle de son nom et de ses prénoms.

21. Dans les régions d’implantation substantielle d’une minorité nationale, les personnes appartenant à cette minorité ont le droit d’utiliser leur langue maternelle dans leurs contacts avec les autorités administratives ainsi que dans les procédures devant les tribunaux et les instances juridiques.

22. Dans les régions d’implantation substantielle d’une minorité nationale, les personnes appartenant à cette minorité ont le droit d’afficher dans leur langue des dénominations locales, enseignes, inscriptions et autres informations analogues exposées à la vue du public. Cela ne fait pas obstacle au droit des autorités d’afficher les informations mentionnées ci-dessus dans la ou les langue(s) officielle(s) de État

Article 8

23. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'apprendre sa langue maternelle et de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle dans un nombre approprié d'écoles et d'établissements d'enseignement public et de formation dont la localisation doit tenir compte de la répartition géographique de la minorité.

24. Les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de créer et de gérer leur(s) propre(s) école(s) et établissement(s) d'enseignement et de formation dans le cadre du système juridique de État

Article 9

En cas de violation alléguée des droits protégés par le présent Protocole, toute personne appartenant à une minorité nationale, ou toute organisation représentative d’une minorité nationale, a droit à un recours effectif devant une instance de État

Article 10

Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit, dans le strict respect de l’intégrité territoriale de État, d’avoir des contacts libres et sans entraves avec les ressortissants d’un autre pays avec lesquels cette minorité partage des caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques, ou une identité culturelle.

Article 11

Dans les régions où elles sont majoritaires, les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de disposer d’administrations locales ou autonomes appropriées, ou d’un statut spécial, correspondant à la situation historique et territoriale spécifique, et conformes à la législation nationale de État

Titre 4 – Conditions de mise en œuvre du Protocole

Article 12

25. Aucune des dispositions du présent Protocole ne peut être interprétée comme limitant ou restreignant un droit individuel d’une personne appartenant à une minorité nationale ou un droit collectif d’une minorité nationale, inséré dans la législation de État contractant ou dans un accord international auquel ce dernier est partie.

26. Les mesures prises à seule fin de protéger les minorités nationales, de favoriser leur développement approprié et de leur assurer l’égalité de droits et de traitement avec le reste de la population dans les domaines administratif, politique, économique, social, culturel et autres ne seront pas considérées comme discriminatoires.

Article 13

L’exercice des droits et libertés énoncés dans ce Protocole s’applique intégralement aux personnes appartenant à un groupe majoritaire dans l’ensemble de État, mais minoritaire dans une ou plusieurs de ses régions.

Article 14

L’exercice des droits et libertés énoncés dans ce Protocole ne saurait limiter les devoirs et les responsabilités qui s’attachent à la citoyenneté d’un État Toutefois, cet exercice ne peut être soumis qu’à des formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi et nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Note :

  1. Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur les droits des minorités – Recommandation 1201 (1993) (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Eurpoe, 1er février 1993).