Justice pour nos langues !

Un pas en arrière pour l’usage du basque
dans les épreuves du baccalauréat

L’usage du basque au baccalauréat est prévu par une convention entre le ministère de l’Éducation nationale, l’office de la langue basque et Seaska. Mais cette possibilité est, cette année, restreinte à quelques élèves pour le grand oral du baccalauréat. La justice a, en effet, confirmé une décision allant à l’encontre de la convention.

Depuis des années, les lycéens de Seaska ont la possibilité de faire usage du basque pour composer certaines épreuves du baccalauréat. La Convention entre le ministère de l’Éducation nationale, la fédération Seaska et l’Office public de la langue basque 2019-20221 mentionne quelques étapes de cette évolution (p. 15) : « Outre l’épreuve d’histoire-géographie, la possibilité pour les élèves de passer en basque l’épreuve de mathématiques du diplôme national du brevet a été autorisée en 2011 à titre expérimental, et la possibilité de composer en langue basque, à titre expérimental également, à l’épreuve de mathématiques du baccalauréat, à partir des sujets libellés en langue française a été offerte à la session 2012 et aux sessisons suivantes jusqu’en 2018. » Cette même convention rappelle également (p. 14) que « les précédentes conventions actaient la double nécessité d’une extension des possibilités de composer en langue basque pour les épreuves du brevet et du baccalauréat ». Partant de ces constats, la convention dispose (p. 15), concernant le baccalauréat, que

Or, le 4 février 2022, d’après le rendu du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Pau dont il sera question plus bas, « la rectrice de l’Académie de Bordeaux a annoncé que seuls les élèves de terminale du lycée Bernat-Etxepare ayant opté pour la spécialité ‘langues, littératures et cultures étrangères ou régionales’ pourraient présenter une partie de leur examen du grand oral du baccalauréat en langue basque, et que les autres élèves seraient ainsi privés de cette possibilité ». Cette décision est surprenante pour plusieurs raisons :

La décision d’Anne Bisagni-Faure, qui fait clairement obstruction à l’usage du basque, a poussé Seaska à saisir la justice pour la première fois, et à déposer ainsi, au cours de la deuxième semaine de mai 2022, un recours en référé au tribunal administratif de Pau contre le ministère de l’Éducation nationale, car, selon le président de Seaska, Peio Jorajuria, elle priverait 90 % des élèves de Seaska de la possibilité de s’exprimer en basque au grand oral, réservant cette possibilité à une dixaine d’élèves seulement3. Et, le lundi 23 mai 2022, trois jours après la formation du nouveau gouvernement, a eu lieu l’étude du recours par le tribunal administratif de Pau, au cours duquel le secrétaire général de la Direction académique représentant l’Éducation nationale aurait curieusement estimé que l’Office public de la langue basque n’était pas habilitée à signer la convention de 2019, alors que la mission de ce dernier consiste notamment à mettre en place une politique publique de la langue basque, pour laquelle l’enseignement constitue incontestablement un domaine d’importance majeure4. Cet argument serait d’ailleurs d’autant plus de nature à soulever des doutes sur la bonne foi ou sur le degré de compétence du ministère de l’Éducation nationale que ce dernier considère après coup comme illégitime un des participants à une convention tripartite à laquelle il a lui-même pris part.

Enfin, le 31 mai 2022, le tribunal a rendu sa décision, et rejeté ainsi la requête de Seaska, considérant que la décision de la rectrice « doit ainsi être regardée comme établie » et « ne permet pas au juge des référés d’enjoindre à la rectrice de l’Académie »5. Ce rendu soulève cependant plusieurs questions :

La nouvelle convention tripartite est prévue à la rentrée. Mais, comme cela apparait, l’hostilité du gouvernement sur la question de la place des langues dans l’éducation reste bien prégnante. Aussi, les difficultés qui s’annoncent ne concernent pas seulement les éventuelles avancées, mais également le maintien même des acquis.

Notes :

  1. Convention entre le ministère de l’Éducation nationale, la fédération Seaska et l’Office public de la langue basque 2019-2022 (Olivier Dugrip, Paxkal Indo et Beñat Arrabit, 16 juillet 2019).
  2. Le rôle du Conseil supérieur des langues en question (Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 3 février 2022).
  3. Examens en basque : Seaska attaque en justice le ministère de l'Éducation (Anaiz Aguirre Olhagaray, Mediabask, 19 mai 2022).
  4. Référé de Seaska : le délibéré sera rendu en début de semaine prochaine (Anaiz Aguirre Olhagaray, Mediabask, 23 mai 2022).
  5. Baccalauréat : le tribunal administratif a rejeté le recours de Seaska (Goizeder Taberna, Mediabask, 31 mai 2022).