Justice pour nos langues !

Pap Ndiaye agira-t-il en faveur des langues autochtones ?

Le 20 mai 2022, Emmanuel Macron, nouvellement réélu au poste de président de la République a formé son nouveau gouvernement. Pap Ndiaye est devenu ministre de l’Éducation nationale, succédant à Jean-Michel Blanquer. À peu près tout oppose ces deux hommes. Aussi, que signifie cette nomination, et qu’en attendre pour les langues autochtones ?

Opposant notoire aux langues autochtones en France, Jean-Michel Blanquer avait jusqu’à présent tout le soutien d’Emmanuel Macron. Ce dernier lui avait, en effet, systématiquement conservé sa place à chaque remaniement ministériel, faisant ainsi de lui le ministre de l’Éducation nationale détenant le record de longévité en poste1. Il faut dire que Jean-Michel Blanquer était sans doute le plus ardent défenseur de la politique du président, même sur des sujets ne relevant pas de sa fonction, et qu’il a été défendu jusqu’au bout par Brigitte Macron1. Et, en bons jacobins, l’ex-ministre et Emmanuel Macron semblaient partager tous deux une certaine aversion pour les langues autochtones2.

Suite à la formation du nouveau gouvernement, Jean-Michel Blanquer a quitté le gouvernement, et c’est Pap Ndiaye, historien, spécialiste des minorités, ayant, entre autre, dénoncé le racisme structurel en France3, qui le remplace. Il peut, dès lors, être présagé une meilleure compréhension par le nouveau ministre de l’Éducation nationale des problèmes liés à l’enseignement des langues autochtones et en langue autochtone, et on ne peut que s’en réjouir.

Cependant, on peut également se poser la question des motivations d’Emmanuel Macron dans la nomination d’une personne dont les positions contrastent aussi nettement avec les siennes. Le contexte est peut-être à même d’apporter quelques éléments de réponse, car cette nomination a lieu moins d’un mois avant les élections législatives. Et, évidemment, avec le mécontentement général dans le milieu de l’éducation, l’entrée en fonction d’un intellectuel reconnu dans son domaine et bien vu des enseignants au poste de ministre de l’Éducation nationale est plutôt opportune, particulièrement si le calcul consiste à flatter cet électorat pour tenter d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale.

Quant à savoir si l’action de Pap Ndiaye en faveur des langues autochtones sera marquante, bien évidemment, cela dépendra notamment de la marge de manœuvre que lui laissera Emmanuel Macron. Néanmoins, il peut être supposé qu’il se démarquera de la croisade contre ces langues menée par son prédécesseur avec un zèle tout particulier. Mais, il lui sera probablement difficile de rétablir la barre, surtout s’il ne reste pas en fonction après les prochaines législatives. Dans ce cas, il n’aurait même pas le temps de faire passer la moindre loi, et ne serait, en quelque sorte, qu’un faire-valoir. Mais, même dans cette éventualité, il devrait au moins y avoir une trêve d’ici le prochain gouvernement, et c’est toujours bon à prendre.

Enfin, quelques interrogations feront office de conclusion. Peut-on sérieusement penser qu’Emmanuel Macron ait radicalement changé entre ses deux mandats ? La nomination de Pap Ndiaye est-elle réellement un signe d’apaisement ou la poursuite d’une politique d’enfumage dont le président est coutumier ? Pap Ndiaye aura-t-il le temps et la possibilité d’agir ou est-il seulement instrumentalisé ? Rien n’est donc encore gagné…

Notes :

  1. « Jean-Michel Blanquer, le chouchou de la macronie devenu bonnet d’âne du gouvernement », Antoine Comte et Thibaud Le Meneec, FranceInfo, 20 janvier 2022, 10 h 43, modifié à 18 h 47.
  2. « Le mépris du gouvernement pour les identités et les langues autochtones », Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 27 juillet 2021, modifié le 8 septembre 2021.
  3. « Pap Ndiaye nommé ministre de l'Education, un "anti-Blanquer" rue de Grenelle ? », Marie-Estelle Pech, Marianne, 20 mai 2022, 17 h 59.