Justice pour nos langues !

Communication de l’Onu au gouvernement français
suite à la censure partielle de la loi Molac

Suite à la censure de l’enseignement immersif et des caractères avec diacritique inconnus de la langue française dans les prénoms enregistrés à l’état civil, une communication avait été envoyée au Conseil des droits de l’homme des Nations unies par le Réseau européen des langues régionales (ELEN). L’Onu l’a estimée suffisamment préoccupante pour y donner suite.

Le 21 juin 2021, dans le cadre de l’examen de la loi Molac, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, rendant inconstitutionnel l’enseignement immersif au sein du service public de l’enseignement et les caractères avec diacritique absents de la langue française dans les prénoms enregistrés à l’état civil, y compris ceux utilisés dans les langues autochtones en France1. Cela avait provoqué une importante mobilisation et nombre de manifestations. Le réseau ELEN avait alors envoyé une lettre d’allégation, datée du 19 juillet 2021, au Rapporteur spécial des Nations unies pour les minorités2, dans laquelle il faisait un large aperçu de la situation linguistique en France.

Cette lettre a provoqué des « inquiétudes à l’ONU quant au potentiel discriminatoire, et contraire au droit international, de la décision du Conseil constitutionnel 2021 de la France qui limite l’enseignement en langues régionales et minoritaires, alors que l’anglais est privilégié »3. Aussi, trois rapporteurs spéciaux, Fernand de Varennes sur les questions relatives aux minoritiés, Alexandra Xanthaki dans le domaine des droits culturels, et Koumbou Boly Barry sur le droit à l’éducation, ont décidé d’adresser, le 31 mai 2022, une communication officielle au gouvernement français4.

Dans cette communication, les rapporteurs déclarent : « Nous craignons que l’adoption et l’application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France. » Ils soulignent que la décision du Conseil constitutionnel « peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires de France », et pointent qu’« il y aurait de plus un traitement différentiel entre l’enseignement dans les langues minoritaires de France (breton, basque, corse, occitan, etc.) et la langue anglaise. »

Ils rappellent, par ailleurs, nombre de dispositions contenues dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention internationale sur les droits de l’enfant, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, et soulignent les conséquences qui en découlent. Les points relevés ont trait à l’interdiction de discrimination, notamment par rapport à la langue, à la liberté d’utiliser la langue minoritaire, et aux obligations concernant l’éducation et l’enseignement, notamment pour ce qui est de la langue utilisée pour les dispenser.

Enfin, ils demandent au gouvernement de « fournir des informations concernant la mise en œuvre de la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021 et le statut actuel de la Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion », mais également « sur le risque de traitement différentiel entre la langue anglaise d’une part, et les langues minoritaires de France d’autre part, au sein des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci », et sur les « mesures prises […] pour mettre en place des mesures adéquates pour garantir l’accès à l’enseignement public dans les langues minoritaires ainsi que leur usage dans la vie publique et privée ».

Notes :

  1. Décision no 2021-818 DC du 21 mai 2021, par le Conseil constitutionnel.
  2. Communication au rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités, par le réseau ELEN.
  3. Message Facebook de Fernand de Varennes du 30 juin 2022 à 14 h 24.
  4. Communication de l’Onu du 31 mai 2022.