Justice pour nos langues !

Les langues autochtones de France mises en péril
par le droit français et par le Conseil constitutionnel

Alors que de nombreux pays du monde prennent des mesures de préservation pour des langues qui ne sont parfois parlées que par quelques personnes, la France persiste à ignorer les droits naturels et fondamentaux dès lors qu’ils concernent les minorités ou les langues autochtones.

La Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques reconnait, à l’article 2, le droit, pour les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, et linguistiques, « d'utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans ingérence ni discrimination quelconque »1. Or la France se refuse à respecter ce droit, de par les réserves qu’elle a émises sur :

De même, la France est loin d’être en conformité avec les normes européennes, car elle s’oppose toujours à :

Aujourd’hui, la France reste même le seul pays du Conseil de l’Europe avec la Turquie à n’avoir pas signé la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Et elle va jusqu’à reconnaitre implicitement un problème de discrimination structurel, puisqu’elle a motivé son refus, « à court terme », d’adhérer au protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme par le fait que cette adhésion « ne manquera pas susciter l’afflux de nouvelles requêtes » auprès de la Cour européenne des droits de l’homme8.

À cette situation, déjà peu reluisante, s’ajoute le fait que Conseil constitutionnel interprète régulièrement le droit français au détriment des langues autochtones. Pour cela, il n’hésite pas à prendre des décisions sans fondement juridique, faisant alors prévaloir l’idéologie sur le droit. En instrumentalisant le droit de la sorte, il constitutionnalise de nouvelles restrictions de droits pour s’attaquer aux langues autochtones. Sa décision no 2021-818 DC du 21 mai 2021 va même jusqu’à conforter une situation hautement discriminatoire, puisqu’elle notifie l’inconstitutionnalité de l’enseignement immersif spécifiquement pour les langues dites régionales9. L’opposition à un tel enseignement est, au passage, contraire à l’article 28 de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail10, mais, une fois n’est pas coutume, la France ne l’a pas ratifiée. La situation vis-à-vis des locuteurs des langues autochtones en France peut ainsi aisément être décrite comme relevant de l’oppression linguistique.

Il est de la responsabilité des citoyens de se mobiliser pour résister à ces procédés contraires à l’État de droit et au fonctionnement démocratique des institutions. Les abus de pouvoir du Conseil constitutionnel sont d’autant plus graves qu’il n'existe aucun recours contre ses décisions. Et cet organe est particulièrement problématique, parce qu’il remet clairement en cause la séparation des pouvoirs entre exécutif et judiciaire. Car, contrairement aux tribunaux ordinaires, les juges qui y siègent sont, pour une bonne part, des hommes politiques dont les compétences juridiques n’ont jamais été reconnues par la société. Un tel organe n’a donc aucune légitimité démocratique, il devrait donc être réformé de toute urgence.

Notes :

  1. Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
  2. Convention internationale des droits de l’enfant (ou Convention relative aux droits de l’enfant).
  3. Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  4. Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
  5. Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
  6. Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société.
  7. Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
  8. Ratification par la France du protocole no 12 à la convention européenne des droits de l’homme – Réponse du ministère : Affaires étrangères, Journal officiel Sénat, 1er novembre 2001, p. 3457.
  9. Décision no 2021-818 DC du 21 mai 2021, par le Conseil constitutionnel.
  10. C169 - Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, par l’Organisation internationale du travail.