Lettre au rédacteur en chef de Corse-Matin
sur le traitement des toponymes par le journal
Courrier du 27 octobre 2024, par Pascal Ottavi, sociolinguiste
Monsieur le rédacteur en chef,
Dans les pages des sports en Corse, le samedi 26 octobre, un titre a attiré mon attention : « Top départ au col de Bataille ».
Bataille ? Mais de quelle bataille s’agit-il, me suis-je donc demandé ? Marignan, Azincourt, Eylau, Friedland ? Ou bien parlerait-on de Georges Bataille, l’écrivain surréaliste ?
Que nenni ! L’auteur de l’article fait ici référence au col de Battaglia, entre U Spiluncatu (Speloncato) et Piogiula (Pioggiola).
Le toponyme, dans sa transcription originelle, l’est en italien, ou plutôt en toscan, aux temps de l’administration génoise. Or vous n’êtes pas sans savoir que depuis le combat culturel du Riacquistu, la revendication relative au nom de lieux a abouti à quelques résultats. J’en veux pour preuve la corsisation des toponymes dans les pages de votre quotidien. En corse, on dit bien « battaglia », comme en italien, n’est-ce pas ?
Vous serait-il possible de garantir la cohérence de vos choix rédactionnels entre toponymes de communes corsisés et noms de lieux traités à la bonne franquette ?
Vous paraîtrait-il déplacé, inadéquat, inapproprié, inconvenant, iconoclaste, incongru, d’appliquer à l’ensemble des noms à traiter un traitement commun, cohérent, logique ?
Pensez-vous plus utile de satisfaire un lectorat local de longue date fidèle ou bien de céder au laxisme de plume de certains membres de votre équipe ?
En un mot, existe-t-il dans votre parution une éthique de la langue, le corse, qui conduirait vos journalistes à observer un minimum de rigueur quant au traitement cohérent et respectueux de nos toponymes ?
Je ne vous parle évidemment pas de l’insert mensuel intégralement rédigé en corse, que Corse-Matin avait promu avec le soutien sonnant et trébuchant de la CdC, en 2017. Ce propos sentirait trop la nostalgie, sinon la naphtaline.
En vous souhaitant bonne réception de la présente, avec mes salutations…
Source : « Lettre ouverte à monsieur le rédacteur en chef de Corse-Matin », par Pascal Ottavi, Facebook, 27 octobre 2024, 11 h 01.