Justice pour nos langues !

Lettre de 18 parlementaires à la ministre
de l’Éducation nationale sur le traitement
des langues autochtones dans le cadre des examens

Madame Nicole BELLOUBET
Ministre de l’Éducation nationale
et de la Jeunesse
Hôtel de Rochechouart
110, rue de Grenelle
75357 Paris Cedex 7

Paris, le 4 avril 2024

Objet : Courrier de la DGESCO en date du 20 novembre 2023 rappelant le cadre réglementaire pour l’utilisation des langues régionales dans le cadre du Diplôme National du Brevet (DNB).

Madame la Ministre,

nous tenons à attirer votre attention sur une décision de la DGESCO qui risque fort de perturber les épreuves du prochain brevet dans nos territoires de Bretagne et du Pays Basque.

En effet, un courrier du Directeur Général de l’Enseignement Scolaire en date du 20 novembre 2023 rappelant le cadre réglementaire pour l’utilisation des langues régionales dans le cadre du Diplôme National du Brevet (DNB) indique que désormais « quelle que soit la langue de composition, les sujets et les documents d’accompagnement des sujets ne sont pas traduits en langue régionale et demeurent en français ».

Or, jusqu’à présent, n’importe quel élève de classe de 3ᵉme suivant un enseignement bilingue en langue régionale peut présenter l'épreuve d'histoire-géographie en langue régionale ; certains élèves peuvent présenter l'épreuve de mathématiques en langue régionale et les élèves des réseaux Seaska (Pays Basque) et Diwan (Bretagne) peuvent, depuis 2023, présenter l'épreuve de sciences dans leur langue d’enseignement.

Jusqu'à la dernière année scolaire, les consignes étaient traduites en langue régionale car les élèves travaillent avec des intitulés en langue régionale. Cette décision du 20 novembre 2023 est ressentie comme un grave recul pour l’enseignement en langues régionales. L’argument avancé de l’« équité » entre les élèves est par ailleurs très maladroit. Les élèves qui ont choisi de passer certaines épreuves du DNB en langue régionale sont pénalisés par le changement du cadre pédagogique qu’ils ont suivi en classe avec des consignes en langue régionale. Ces élèves ne manquent pas de souligner la différence de traitement avec les sujets proposés en langues étrangères qui sont, dans le cas des diplômes du baccalauréat, des documents en espagnol, en anglais ou en allemand.

Nous tenons à rappeler que cette décision est contraire à l’esprit de la loi du 21 mai 2021 sur la protection patrimoniale des langues régionales et leur promotion qui a été votée à une très large majorité dans nos deux assemblées.

Concernant le baccalauréat, la circulaire du 14 décembre 2021 précise que « Les élèves ayant suivi ce cursus bilingue peuvent présenter au baccalauréat des épreuves en langue régionale ». Or, à ce jour, ce point n’est pas mis en application et aucune épreuve, que ce soient les épreuves écrites de spécialités ou le grand oral n’est autorisé en langue régionale. Il s’agit là d’un recul par rapport à la situation précédant la réforme du baccalauréat, et surtout d’une entrave au développement souhaité de l’enseignement bilingue dans les lycées.

Madame la Ministre, nous avons été marqués par la détermination des élèves concernés par cette mesure, qui ont l’intention de mener des actions fortes pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une discrimination et un manque de respect pour leur langue. Il y a donc fort à parier que les épreuves de fin d’année ne soient émaillées d’actions de protestation au moment des examens.

Dans le contexte actuel, pour le moins complexe et éruptif et dans le but de tourner la page du Ministre en exercice lors de l’ancienne mandature, que votre prédécesseur avait commencé à contribuer à faire oublier, nous vous demandons de revenir sur cette décision rapidement pour que les épreuves du brevet se passent en toute sérénité.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de bien vouloir recevoir, Madame la Ministre, nos salutations les meilleures.

Paul MOLAC, député du Morbihan
Ségolène AMIOT, députée de Loire-Atlantique
Mickaël BOULOUX, député d’Ille-et-Vilaine
Max BRISSON, sénateur des Pyrénées-Atlantiques, ex Président de l’Office Public de la Langue Basque
Vincent BRU, député des Pyrénées-Atlantiques
Michel CANEVET, sénateur du Finistère
Iñaki ECHANIZ, député des Pyrénées-Atlantiques
Frédérique ESPAGNAC, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Vice-Présidente de l’Office Public de la Langue Basque
Jean-Luc FICHET, sénateur du Finistère
Mathilde HIGNET, députée d’Ille-et-Vilaine
Jean-Charles LARSONNEUR, député du Finistère
Florence LASSERRE, députée des Pyrénées-Atlantiques
Lysiane METAYER, députée du Morbihan
Didier LE GAC, député du Finistère
Sylvie ROBERT, sénatrice d’Ille-et-Vilaine
Claudia ROUAUX, députée d’Ille-et-Vilaine
Denise SAINT-PE, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques
Simon UZENAT, sénateur du Morbihan

Source : « Langues régionales au brevet : 18 parlementaires bretons et basques interpellent la Ministre », par Paul Molac, sur le site de Paul Molac, 4 avril 2024.