Justice pour nos langues !

Lettre au maire de Lorient, Fabrice Loher

Monsieur le maire,

Tout d’abord, je tiens à vous adresser mes félicitations pour avoir accepté, avec bon sens et avec raison, d’enregistrer le prénom de Fañch Pichancourt, correctement orthographié avec un « ñ », à l’état civil, et de soutenir ses parents dans leur démarche. En effet, le revirement du procureur de Lorient est d’autant plus étonnant que le motif qu’il avance dans son courrier du 5 septembre 2023 pour demander la rectification le prénom de Fañch en lui supprimant son tilde est très contestable.

Pour rappel, la décision du Conseil constitutionnel no 2021-818 DC du 21 mai 2021 stipule que les « mentions des actes de l’état civil [ne] peuvent être rédigées avec des signes diacritiques autres que ceux employés pour l’écriture de la langue française », mais ne fixe aucunement l’écriture de la langue française. Or l’arrêt no 559 de la cour d’appel de Rennes du 19 novembre 2018 note, page 4 : « l’usage du tilde n’est pas inconnu de la langue française puisque le ñ figure à plusieurs reprises dans le dictionnaire de l’Académie française, dans le Petit Robert et dans le Larousse de la langue française qui comprennent les mots : Doña, cañon, señor et señorita. » (Voir l’arrêt en ligne : https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2018/11/17-07569.pdf)

De cela, il ressort que la décision du Conseil constitutionnel ne s’oppose nullement à cette jurisprudence, car elle ne comporte aucune contradiction à l’argument soulevé. En l’état actuel du droit, la jurisprudence reconnait donc que le « ñ » est connu du français.

D’autre part, même en l’absence de prise en considération de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, il va de soi que les dictionnaires d’usage du français (Petit robert et Larousse), comme celui de l’Académie française, sont rédigés en français, et que les mots qu’ils recensent sont ceux de cette même langue. Par conséquent, le « ñ » est bien employé pour l’écriture de la langue française, et la présence du « ñ » dans les mentions des actes de l’état civil ne saurait, en aucune manière, être considérée comme inconstitutionnelle. Aussi, si l’affaire était amenée à être jugée, la logique voudrait que les parents obtiennent gain de cause.

En vous remerciant pour votre digne prise de position, qui vous honore et qui honore votre fonction, veuillez recevoir, monsieur le maire, mes sincères et respectueuses salutations.

Yann-Vadezour ar Rouz