Justice pour nos langues !

Un gouvernement constant dans la duplicité
malgré sa circulaire relative
à l’enseignement immersif en langue autochtone

La proposition de convention État-Région sur la transmission des langues de Bretagne avancée par la Région Bretagne est mise à mal par la réponse du rectorat. Cette nouvelle attaque contre des langues autochtones en France éclaire non seulement sur l’état d’esprit du gouvernement concernant ces langues, mais également sur le manque de protection dont ces dernières disposent.

Alors que le gouvernement venait de publier la circulaire relative à l’enseignement immersif en langue autocthone1, le collectif Kelennomp! a été informé, au cours des vacances de Noël, que les mesures concernant l’enseignement du breton visant à « développer l’enseignement bilingue français-breton et l’enseignement des langues régionales » issues de la proposition de nouvelle convention État-Région ont été intégralement censurées par le rectorat de l’Académie de Rennes2. Le collectif accuse le recteur d’Académie d’appliquer les directives du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

La situation du breton, comme l’ensemble des langues autochtones en France métropolitaine, est particulièrement fragile, et ces langues restent à la merci d’un État constamment satisfait des mesures en vigueur, dont l’insuffisance provoque pourtant leur disparition progressive. Face à cet état de fait, la contre-proposition du rectorat de l’Académie de Rennes consiste, aux antipodes des attentes formulées, à revoir au rabais les mesures contenues dans la précédente convention en vigueur, déjà jugée trop peu ambitieuse à l’époque3.

Cet incident met clairement en évidence combien la circulaire est loin de garantir une réponse adaptée aux besoins des langues autochtones. En réalité, trois problèmes majeurs subsistent.

  1. La circulaire confirme le rôle des conventions État-Région concernant les mesures relatives à l’enseignement des langues autochtones à mettre en place ; l’adoption des mesures souhaitées par les Régions reste donc soumise au bon vouloir d’un État central traditionnellement hostile à ces langues.
  2. C’est au gouvernement que revient de fixer le budget accordé pour l’enseignement des langues autochtones, ce qui lui permet, dans les faits, de bloquer la mise en application des mesures accordées.
  3. La censure de l’enseignement immersif en langue autochtone par le Conseil constitutionnel fait de la circulaire une protection dérisoire, puisque la jurisprudence constitutionnelle prime en cas de litige.

Les membres du collectif Unanet evit ar brezhoneg, regroupant Diwan, Div Yezh Breizh, Divaskell Breizh, Kelennomp! et Kevre Breizh, qui se sont réunies ce mercredi 5 janvier suite à la censure des mesures demandées par la Région, ne décolèrent pas. En réaction à ce qu’ils considèrent comme une provocation, ils prévoient une manifestation le 19 janvier à 14 heures devant le rectorat de Rennes4.

Il semble bien que ce nouvel épisode ne fasse que confirmer que l’opposition du gouvernement aux langues autochtones est toujours bien réelle5, que sa duplicité reste de mise6 et que la récente circulaire sur le sujet est davantage un faire-valoir électoral qu’un signe d’ouverture sur la question des langues autochtones. Jean-Michel Blanquer n’a d’ailleurs jamais été réellement désavoué après de régulières prises positions contre les langues autochtones, puisqu’il est toujours en place. Ainsi, les principaux moyens permettant de faire obstruction aux mesures en faveur des langues autochtones demeurent intacts et le gouvernement parait bien décidé à continuer à en user, d’autant plus qu’il sera particulièrement ardu de l’en empêcher en cas de réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République.

Notes :

  1. « Une circulaire inapte à réellement sécuriser l’enseignement immersif en langue autochtone », Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 18 décembre 2021, modifié le 1er janvier 2022.
  2. Lettre d’infromation de Kelennomp! (Kelennomp!, janvier 2022).
  3. Renan Kerbiquet de Kelennomp dénonce la liquidation de l’enseignement du breton que prépare l’État (Agence Bretagne Presse, Youtube, 6 janvier 2022).
  4. « Langue bretonne. « Une provocation ! » : les associations remontées par « la censure » du rectorat » (Emmanuelle Cadieu, Ouest-France, 5 janvier 2022, 16 h 29).
  5. « Les attaques contre les langues autochtones en France », Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 30 juillet 2021, modifié le 20 septembre 2021.
  6. « Le double jeu du gouvernement », Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 21 juillet 2021, modifié le 30 juillet 2021.