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La spécificité du vote corse aux régionales 2021

Le vote corse s’est largement démarqué de la tendance générale lors des élections régionales des 20 et 27 juin 2021. Cette particularité peut difficilement être analysée sans aborder certains problèmes systémiques de la France, d’où le grand silence à ce sujet des médias parisiens, peu enclins à porter un regard critique sur le fonctionnement politique du pays.

Lors de ces élections, la Corse n’a pas été concernée par le taux d’abstention général particulièrement élevé. Alors que le taux de participation moyen n’a atteint que 33,28 % au premier tour et 34,69 % au deuxième tour sur l’ensemble de la France1, il s’est élèvé à 57,08 % au premier tour et à 58,91 % au deuxième tour en Corse2.

Les résultats corses se sont distingués également par l’importance des voix pour les groupes insulaires, avec pour cette élection, des résultats suffisamment importants pour que se maintiennent à la fois des autonomistes et des indépendantistes en face de la droite au deuxième tour. L’ensemble des groupes insulaires ont ainsi obtenus 57,70 % des voix au premier tour et 67,97 % au second. Et les autonomistes ont terminé en tête avec 40,64 % des voix2.

Si, de toute évidence, la situation générale de pandémie n’est pas étrangère à la hausse de l’abstention globale, elle ne saurait en constituer l’unique raison, car elle ne permet pas d’expliquer l’exception corse. Plusieurs facteurs se sont en réalité combinés.

Le plus important réside certainement dans le faible pouvoir, et, davantage encore, dans le budget dérisoire, des régions, qui parviennent ainsi difficilement à mettre en place des politiques efficaces pour répondre aux attentes des citoyens, d’autant plus qu’elles doivent faire face à un pouvoir central de plus en plus autoritaire. Et les nouvelles régions, créées par la loi no 2015-29 du 16 janvier 2015 et devenues effectives au 1er janvier 2016, n’ont fait qu’accentuer le problème, puisqu’elles ont affaibli les liens noués entre les citoyens et leur collectivité en remplaçant ces dernières par de grandes régions technocratiques. Et cela a alors contribué à éloigner les citoyens de leurs représentants.

Enfin, comme les partis hexagonaux malmènent les identités des territoires plus qu’ils ne les défendent, il est assez logique que, dans une collectivité cadrant avec le territoire d’une communauté humaine à forte identité, comme en Corse, le principe de l’autonomie, en ce qu’il tend à rapprocher le pouvoir décisionnel du citoyen, ait été accueilli favorablement. Et l’Assemblée de Corse ne datant que du 1er janvier 2018, les partis insulaires semblent encore y susciter davantage d’espoirs que dans les assemblées d’outre-mer, même s’ils arrivent également en tête en Martinique3.

Sans surprise, le pouvoir central, quant à lui, poursuit son refus de dialogue avec les élus locaux corses4, ignorant, par là même, la légitimité d’un vote démocratique, qui, au fond, est avant tout une réaction à l’absence de reconnaissance par l’État de l’identité corse et de droits naturels, dont les droits linguistiques sont une composante essentielle.

Notes :

  1. BFM / RMC – Régionales 2021. « Résultats des élections régionales 2021 nationaux », 1er tour 2021 et 2e tour 2021.
  2. Ministère de l’intérieur, « Elections régionales et des assemblées de Corse, Guyane et Martinique 2021 – 20 et 27 juin 2021 – Corse ».
  3. Ministère de l’intérieur, « Elections régionales et des assemblées de Corse, Guyane et Martinique 2021 – 20 et 27 juin 2021 – Martinique ».
  4. « Large succès nationaliste aux Territoriales L’Etat fait la sourde oreille Aucun appel téléphonique », communiqué de presse de François Alfonsi, publié sur le site de l’Agence Bretagne presse le 14 juillet 2021, 11:25, mis à jour le 14 juillet 2021, 15:52.