Justice pour nos langues !

La mission des députés Yannick Kerlogot
et Christophe Euzet

Les réactions de la majorité suite à la censure par le Conseil constitutionnel de l’enseignement immersif et des diacritiques des langues autochtones dans les mentions des actes de l’état civil ne se sont pas fait trop attendre. Cependant, il n’y a toujours pas de garanties sur aucun de ces deux points.

Comme l’atteste un message du 26 mai 2021, après une déclaration selon laquelle, « en tant que Président de la République, [il est] tout à la fois protecteur de la langue française et gardien de la richesse que constituent nos langues régionales », Emmanuel Macron a indiqué « [avoir] demandé au gouvernement et au Parlement de trouver les moyens de garantir la transmission de cette diversité linguistique dans le respect des cadres pédagogiques largement reconnus depuis un demi-siècle »1.

Par ce message, le président de la République apparait ainsi être à l’origine de l’annonce du premier ministre effectuée la veille à l’Assemblée nationale. En effet, le 25 mai 2021, répondant à une question de Yannick Kerlogot, député La République en marche, Jean Castex a déclaré, « [qu’il allait] confier à deux députés une mission dont [il attend] les résultats en quelques semaines pour que soient tirées toutes les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel », et que, suite à cela, avec le ministre de l’Éducation nationale, « [il recevra] l’ensemble des représentants des établissements d’enseignement en langue régionale », dans le but « de retrouver, dans le cadre de l’État de droit et des lois de la République, une solution permettant de respecter, non seulement notre Constitution, mais les engagements que le président de la République a rappelés à Quimper le 21 juin 2018 : les langues régionales ont un vrai rôle à jouer dans la République »2.

Le nom des deux députés missionnés par le premier ministre a été publié au Journal officiel le 9 juin 2021. Il s’agit de Christophe Euzet, député Agir ensemble, et de Yannick Kerlogot, mentionné plus haut.

Yannick Kerlogot a notamment défendu l’enseignement du breton dans les établissements immersifs Diwan, lorsque, par décision du ministre de l’Éducation nationale « la dotation de 3 heures par classe [était] revue et [devait passer] à 3 heures par niveau, soit une suppression de 30h pour l’ensemble des collèges concernés »3. Il a également défendu la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion déposée par Paul Molac4. Mais il figure également parmi les députés bretons de la majorité présidentielle signataires d’un communiqué envoyé à la rédaction de Ouest-France assimilant l’engagement des élus contre la censure du Conseil constitutionnel à « une utilisation électoraliste et politicienne de cette décision » et vantant « des avancées sans précédent », alors que le principal outil pouvant participer à la bilingualisation était censuré par le Conseil constitutionnel et que des manifestations se préparaient un peu partout en France, dont la plus importante serait à Guingamp5.

Christophe Euzet est l’auteur de la proposition de loi contre la discrimination par l’accent, votée depuis. Il a, lui aussi, soutenu la proposition de loi de Paul Molac, en émettant, néanmoins, deux réserves4.

La révision de la Constitution est une possibilité plutôt négligée par les députés missionnés, même si elle n’est pas totalement exclue6. L’annonce de la mission semble plutôt montrer que Jean Castex n’y est pas favorable. Enfin, leur mission ne concerne que l’enseignement immersif, renvoyant à plus tard la question des diacritiques dans les mentions des actes de l’état civil.

Notes :

  1. Message Facebook d’Emmanuel Macron, 26 mai 2021, 7 h 45.
  2. Questions au gouvernement du 25 Mai 2021 : Langues Régionales, Mr. Yannick Kerlogot, La République en marche, au premier ministre.
  3. Lettre de Yannick Kerlogot, député des Côtes d’Armor, 4e circonscription à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, cosignée par 20 parlementaires, dont 19 députés et 1 sénatrice.
  4. Assemblée nationale no4035, Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, Tome II. Compte rendu, par M. Paul Molac, député.
  5. « Langues régionales. « Des avancées sans précédent » selon les députés bretons de la majorité », Ouest-France, 28 mai 2021 à 15 h 57.
  6. « Langues régionales : vers une réécriture de l’article sur l’enseignement immersif ? », Le Télégramme, 9 juin 2021, 17 h 41.