Limogeage avorté de Rémi François Paolini
Le Recteur sur un siège éjectable
Publication du 06.11.2025, par François Alfonsi
L’espace d’une nuit, le limogeage du Recteur de la Corse a avorté. Son remplacement avait été inscrit à l’ordre du jour du Conseil des Ministres à la demande du nouveau Ministre de l’Éducation Nationale Edouard Geffray. Le Premier Ministre a cédé aux pressions venues de l’Exécutif de l’Assemblée de Corse et a décidé in extremis de suspendre ce point de l’ordre du jour.
Cet épilogue provisoire donne quelques indications sur la situation politique actuelle et les évolutions possibles du dossier corse.
Tout d’abord, la personnalité du nouveau Ministre de l’Education ne peut qu’inquiéter. Il avait été au premier rang des conseillers de Jean Michel Blanquer lors du débat de la loi Molac. Or il est établi que c’est le cabinet du Ministre, Jean Michel Blanquer l’a admis lui-même en séance publique en réponse à Paul Molac, qui a rédigé le recours adressé au Conseil Constitutionnel pour en obtenir l’abrogation. Mesurons l’énergie déployée alors par le cabinet du Ministre : 74 députés avaient voté contre la loi Molac, dont les 17 députés du groupe France Insoumise de l’époque qui ne se sont pas associés au recours. Trouver 61 députés pour attaquer la loi votée par une large majorité de l’Assemblée Nationale relevait donc d’une gageure, qui a d’ailleurs été relevée dans des conditions notoirement douteuses. Et tout cela en opposition avec le premier ministre de l’époque, Jean Castex, lui-même appuyé par l’Elysée. C’est dire le militantisme anti-langues régionales qui régnait dans un Ministère alors dirigé, dans son volet administratif, par Edouard Geffray.
D’ailleurs celui-ci a quitté le Ministère aussitôt le successeur à Blanquer nommé pour faire un tour au Conseil d’Etat, avant de revenir aujourd’hui comme ministre et décider, dans le mois même, de demander la tête du recteur de la Corse.
Rémi-François Paolini était donc sur une « liste noire » des recteurs à destituer, alors même que la convention passée avec la Collectivité de Corse, qui prévoit des moyens inédits pour la langue corse, venait à peine d’être signée. A travers le Recteur de la Corse, c’est donc bel et bien la politique linguistique en faveur de la langue corse qui est attaquée.
Pourquoi Sébastien Lecornu a-t-il arbitré en faveur du maintien provisoire du Recteur de Corse, puisque la décision de le limoger a été suspendue en attendant « d’y voir clair » ? L’intervention de Gilles Simeoni a bien sûr été déterminante. Mais a-t-elle juste différé un calendrier, ou réellement remis en cause une orientation politique ouvertement hostile ?
Dans le contexte actuel très incertain pour lui, son gouvernement ne tenant qu’à peu de choses, la décision de Sébastien Lecornu peut en effet être purement conjoncturelle, pour ne pas fragiliser un des fils qui le maintiennent provisoirement au pouvoir. L’un d’entre eux est le groupe Liot dont 21 députés n’ont pas voté la motion de censure déposée, alors que seules 17 voix ont manqué pour le renverser. Pour que la confiance de beaucoup de membres du groupe lui soit conservée, il lui faudra donner des gages substantiels sur l’avenir de la politique ministérielle en matière de langues régionales. Ce n’est certainement pas Edouard Geffray qui va l’y aider.
L’autre sujet d’inquiétude, alors que la déclaration de Sébastien Lecornu lors du discours de politique générale avait été plutôt bien reçue en faveur de la continuation du processus d’autonomie de la Corse, est la publication du calendrier parlementaire jusqu’aux élections municipales qui ne fait aucune mention du dossier corse.
Là encore, en attendant « d’y voir plus clair », c’est une réaction de défiance que cette absence provoque, alors même que les questions de la Nouvelle Calédonie ou de la Polynésie sont inscrites dans ce document. Certes il est provisoire et peut être encore complété. Mais le signal donné est de toute façon négatif.
Dans la semaine, Gilles Simeoni doit être reçu par Sébastien Lecornu. On verra bien ce qu’il en ressort. Mais l’heure est à plus grande vigilance.
Source : « Limogeage avorté de Rémi François Paolini – Le Recteur sur un siège éjectable », par François Alfonsi, Facebook, 6 novembre 2025, 19 h 04.