Justice pour nos langues !

Interpellation du Premier ministre François Bayrou
sur la place des langues régionales dans la réforme
de la formation initiale et du recrutement des enseignants
Courrier du 02.05.2025, par le collectif Pour que vivent nos langues

Le collectif Pour que vivent nos langues

Chez Euskal Konfederazioa
4 rue des Lices
64100 Bayonne

À monsieur François Bayrou
Premier ministre

Le 2 mai 2025

Copie

Objet : place des langues régionales dans la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants

Monsieur le Premier ministre,

Le collectif « Pour que vivent nos langues », composé de structures associatives, représente l’ensemble des acteurs principaux œuvrant en faveur des langues régionales sur les territoires concernés.

Vous avez annoncé le 28 mars dernier en compagnie de Mme Élisabeth Borne la relance de la réforme de la formation initiale des enseignants.

C’est à ce titre que nous nous adressons à vous parce que nous connaissons votre attachement aux langues de France, manifesté par votre action lors de vos fonctions de ministre de l’Éducation nationale. Plus récemment, en mai 2021, lors de l’annonce de la censure partielle de la loi du 21 mai 2021, vous déclariez que « la France et l’État ont le devoir de soutenir les langues régionales ». Vous aviez ainsi tenu à rappeler que « les langues régionales font partie du patrimoine culturel français » et qu’elles représentent « un bien culturel précieux pour des millions de Français ».

Or, dans les textes que le ministère de l’Éducation nationale1 a publié ce 17 avril, aucune mention n’est faite de la place des langues régionales dans les nouveaux parcours de formation à compter de 2026.

Concernant la formation et le recrutement des enseignants, notre collectif est porteur de propositions présentées notamment aux députés du groupe d’études « langues et cultures régionales » lors de notre audition à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2023. Ces propositions se trouvent en ligne sur notre site2. Le 12 octobre 2022, nous avions également adressé au ministère de l’Éducation nationale dans un courrier – resté sans réponse – des propositions sur la formation et sur le concours des enseignants bilingues.

Or, les objectifs de généralisation de l’offre d’enseignement des langues régionales fixés par la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (article 7, intégré dans le Code de l’éducation, art. L. 312-11-23), se heurtent au déficit criant, dans les régions concernées, d’enseignants capables d’enseigner les langues régionales et en langues régionales. D’où la nécessité de mesures concrètes quant à la formation initiale ainsi que pour les concours de recrutement de tels enseignants.

Les décrets publiés le 17 avril concernant les concours des premier et second degrés continueront d’aggraver ce manque d’enseignants. Ils reprennent notamment les éléments négatifs de la réforme du CRPE (concours de recrutement de professeurs des écoles) de 2022 conduite sous la houlette du ministre de l’Éducation de l’époque, M. Blanquer, qui avait sensiblement diminué le poids des langues régionales, rendant le concours CRPE actuel « spécial langues régionales » de moins en moins « spécifique ».

Dans le même ordre d’idées, la non-intégration des langues vivantes régionales, dans la seconde épreuve de l’admissibilité du concours concernant les langues vivantes va totalement à l’encontre de la loi du 21 mai 2021 et de son article L 312-11-2 du Code de l’éducation déjà cité.

Cette intégration des langues régionales avait pourtant été possible en 1995, quand vous-même étiez ministre de l’Éducation nationale, avant l’ouverture du concours spécial « Langues régionales » en 2002. Et même dans le cas du concours spécial, il nous semble que les langues régionales devraient avoir un poids beaucoup plus important.

Pour les membres de notre collectif, un certain nombre de mesures sont donc nécessaires et urgentes dans le cadre de la réforme en cours. Notons en préambule qu’un développement de la formation des futurs enseignant.es de et en langues régionales nécessite forcément des moyens ministériels budgétaires spécifiques affectés aux établissements concernés (INSPé – Universités) pour limiter les effets de la concurrence entre formations.

Pour le premier degré :

Ces deux derniers points sont réclamés depuis 2015 par la section 73 (Cultures et langues régionales) du Conseil national des universités dans le cadre d’une motion votée à l’unanimité à Toulouse le 6 février 2015, motion annexée au présent courrier.

Pour le second degré :

Nous rappelons par ailleurs que l’insuffisance du nombre de candidats aux concours d’enseignants est une des conséquences des effets délétères des réformes du second degré sur les effectifs des étudiants des filières universitaires concernées, en mesure de constituer des viviers suffisants.

Nous ne doutons pas de votre volonté, monsieur le Premier ministre, de clarifier et améliorer la situation des langues régionales, notamment en matière de recrutement et de formation des maîtres. C’est pourquoi nous vous demandons d’intervenir auprès de madame la ministre de l’Éducation nationale afin que soient revues les maquettes des futurs concours de recrutement des enseignants de et en langues régionales et que soient intégrées ces langues régionales dans les futures licences LPE et futurs masters MEEF.

Nous vous prions de croire, monsieur le Premier ministre, en l’expression de nos sentiments les plus dévoués.

Les organisations signataires membres du collectif Pour que vivent nos langues

(voir page suivante)

en annexe : Motion du Conseil national des universités, section 73 : Cultures et langues régionales, en date du 6 février 2015.

  1. 1 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/reforme-formation-initiale-professeurs
  2. 2 https://pourqueviventnoslangues.org/audition-du-collectif-a-lassemblee-nationale-sortir-de-la-precarite-un-statut-pour-nos-langues/
  3. 3 Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves.

Les organisations signataires

Association des enseignants de et en breton

Mallorie Creac'h

Fédération des parents d’élèves en filière publique français-breton

Eddy Penven

Seaska, fédération des ikastola

Sophie Layus

Réseau des écoles associatives en langue bretonne

Pour le conseil d’administration

Anne-Sophie Brats

Akademie voor Nuuze Vlaemsche Taele – Institut de la langue régionale flamande

Jean Paul Couche

Agence régionale de la langue picarde

Olivier Engelaere

Enseignement laïc immersif occitan

Joan Loís Blenet

Coordination culturelle associative de Bretagne

Claudine Perron

Association des enseignants de gallo

Annie Maudet

Confédération des associations pour le développement et la défense de la langue basque

Jakes Bortayrou

Fédération des parents d’élèves des filières bilingues français-breton et de l’enseignement du gallo dans l’enseignement catholique

Maxime Gandriau

Association de parents et d’enseignants de l’enseignement privé bilingue (Pays Basque)

Laetitia Eizmendi

Association de parents d’élèves de l’enseignement public bilingue (Pays Basque)

Yann Chesneau

Association Forum d’oc

Guy Revest

Fédération des enseignants de langue et culture d’oc

Olivier Pasquetti

Association pour l’enseignement de la langue d’oc

Marie-Françoise Lamotte

Institut d’études occitanes

Miquèu Arnaud

Organisation non gouvernementale européenne de défense et de promotion des langues européennes les moins utilisées

Tangi Louarn

Association pour le bilinguisme français-occitan dans l’enseignement public (Nouvelle-Aquitaine et Occitanie)

Martine Ralu

Culture et bilinguisme d’Alsace et de Moselle/René Schiskele-Gesellschaft

Richard Weiss

Le Félibrige
Le Capoulié dóu Felibrige

Paulin Reynard

Le Congrès permanent de la langue occitane

Gilbert Mercadier

Association de parents d’élèves bilingues français-basque de l’enseignement public

Thierry Delobel

Karine Sarbacher

Annexe : Motion du Conseil national des universités, section 73 : Cultures et langues régionales en date du 6 février 2015.

Motion

Concours CRPE spécial langues régionales

La section 72 – Cultures et langues régionales du Conseil national des universités réunie ce jour à Toulouse constate que dans l’actuel CRPE spécial « langues régionales » le nombre d’épreuves en langue régionale n’est pas suffisant pour évaluer le niveau linguistique des PE destinés à enseigner dans la langue régionale.

La section 73 demande :

Motion votée à l’unanimité

Toulouse, le 6 février 2015

Source : « Le Collectif Pour Que Vivent Nos Langues interpelle le Premier ministre François Bayrou sur la place des langues régionales dans la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants », par Collectif Pour que vivent nos langues, Facebook, 8 mai 2025, 12 h 47.