Justice pour nos langues !

Les garanties insuffisantes obtenues pour le brevet 2024

La ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet revient sur l’annonce selon laquelle les consignes des épreuves du brevet seraient exclusivement en français. Elle n’annonce cependant pas mettre fin à toutes les différences de traitement qui ont été dénoncées jusqu’à présent et n’assure rien au-delà de la prochaine session du brevet.

Un courrier en date du 20 novembre 2023, provenant de la Direction générale de l’enseignement scolaire et rédigé pour le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Gabriel Attal, avertissait les rectorats, les directions académiques des services de l’Éducation nationale, ainsi que les établissements, que les sujets des épreuves du brevet et les documents d’accompagnement des sujets seraient fournis exclusivement en français1. Sans aucune concertation préalable avec les acteurs de l’enseignement immersif et bilingue en langue autochtone, ces nouvelles consignes allaient ainsi à rebours des pratiques des années précédentes.

De nombreuses réactions ont alors suivi, et les responsabilités ont été pointées2. Parmi les dernières protestations figurent un communiqué de Div Yezh3, un courrier de 18 parlementaires à la ministre de l’Éducation nationale4, une question Jean-Claude Anglars à la ministre de l’Éducation nationale5, une réunion sur la langue basque au ministère de l’Éducation nationale quittée par la délégation de l’Office public de la langue basque qui demande un rendez-vous en urgence auprès de la ministre6 et un communiqué de Diwan7. Et les efforts ont été suivis d’effets, puisque, dans un courrier du 19 avril 2024 rendu public le même jour par la sénatrice Nadège Havet, Nicole Belloubet déclare « reconduire, pour cette session 2024, les modalités de traitement en langues vivantes régionales des sujets du DNB et de leur traduction » et ajoute que « les dérogations accordées antérieurement permettant de composer dans la LRV, sont prorogées à l’identique »8.

S’il ressort de cette annonce que les inégalités seront bien réduites, les acquis s’avèrent toutefois insuffisants. Deux points méritent, en effet, d’être éclaircis rapidement pour le brevet 2024.

D’une part, le courrier de la ministre de l’Éducation nationale n’assure une traduction que pour les sujets du brevet. Or, il est indispensable que les documents d’accompagnement des sujets soient également traduits.

D’autre part, la reconduction des modalités de traitement des sujets implique malheureusement le maintien des inégalités en résultant qui auraient eu cours les années précédentes. Or, une inégalité de traitement avait effectivement été rapportée par Ouest-France l’année dernière : « L’épreuve d’histoire-géo est, elle, depuis deux ans, composée en langue bretonne pour les candidats au brevet du réseau Diwan de Loire-Atlantique. Mais, contrairement à l’académie de Rennes, le sujet est donné en français. »9 Le problème de la traduction des sujets dans l’académie de Nantes et celui de l’égalité de traitement entre les académies de Rennes et de Nantes restent donc entiers…

Au-delà de la question du traitement différentiel entre les candidats, l’absence de traduction des documents d’accompagnement des sujets pour les candidats rédigeant en langue autochtone et des sujets pour les candidats de Loire-Atlantique rédigeant en breton est incohérente en cela qu’elle contraint, de fait, des candidats à un exercice de traduction pour passer les informations et le vocabulaire qui leur sont donnés dans la langue dans laquelle ils composent. Et, comme le souligne le réseau Diwan dans son communiqué évoqué plus haut, une telle compétence n’est pas requise pour le brevet.

Enfin, le courrier de la ministre de l’Éducation nationale précise que sa nouvelle décision ne concerne que le brevet 2024 et qu’une concertation sera effectuée pour discuter des modalités à partir de la session de 2025, mais sans qu’aucune date ne soit encore annoncée. Ainsi, non seulement les garanties obtenues demeurent insatisfaisantes, mais elles ne sont même pas pérennes.

Notes :

  1. Lettre du 20 novembre 2023 aux rectrices, recteurs et vice-recteurs d’académie, aux directrices et directeurs académiques des services de l’Éducation nationale et aux chefs d’établissements, signée par Edouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, pour Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale.
  2. « Le combat pour une réelle équité dans les modalités d’examen du brevet continue », Justice pour nos langues !, 26 janvier 2024, modifié le 15 février 2024.
  3. « Diplôme national du brevet, ou comment l’Éducation nationale s’évertue à pénaliser les élèves en filière bilingue langue régionale », Justice pour nos langues !, 6 avril 2024.
  4. « Lettre de 18 parlementaires à la ministre de l’Éducation nationale sur le traitement des langues autochtones dans le cadre des examens », Justice pour nos langues !, 7 avril 2024.
  5. « Cadre réglementaire de l’usage des langues régionales lors des épreuves du diplôme national du brevet. Question écrite no 11109 - 16e législature », sur le site du Sénat.
  6. « Réunion très tendue au ministère de l’éducation nationale sur la langue basque », par Max Brisson, X, 11 avril 2024, 15 h 19.
  7. « Venue de la ministre de l’Éducation nationale à Lorient : Diwan attend des réponses sur le brevet en breton », Justice pour nos langues !, 18 avril 2024, modifié le 20 avril 2024.
  8. « #DNB 2024. Les élèves de 3eme des filieres @Diwan auront des sujets en Breton », par Nadege Havet, X, 19 avril 2024, 18 h 14.
  9. « À Nantes, les collégiens de Diwan ont pu passer les épreuves scientifiques du brevet en breton », par Yasmine Tigoé, Ouest-France, 27 juin 2023 à 18 h 26.