Deux journées de mobilisation pour le breton,
générateur d’emplois
Deux journées de mobilisations en faveur de la langue bretonne étaient prévues par un réseau d’associations et de syndicats. Après une première journée dédiée à l’organisation de rassemblements, conférences de presse, actions autour du mot d’ordre « brezhoneg = postoù labour », « breton = emplois », qui était amenée à se dérouler le 21 septembre 2021 sur le lieu de travail, c’est une manifestation qui a eu lieu le lendemain pour faire part de la colère et des revendications des Bretons1.
Le rendez-vous était fixé le mercredi 22 septembre 2021 à 16 h devant château de Kerampuilh à Carhaix-Pouguer. Il a rassemblé près de 800 manifestants2. Les associations et syndicats organisatreurs de la manifestation ont demandé à être reçus par Christian Troadec, vice-président en charge des langues de Bretagne. À l’origine des deux jours de défense de la langue bretonne se trouve la Coordination des Travailleurs de la langue et de la culture bretonne, soutenue par EP CFDT Breizh, Kelennomp !, CGT EP Breizh, SUD Education 22, SUNDEP Solidaires Breizh, Sud Solidaires Culture 29, UL CGT Gwengamp, SDEN-CGT 22… Le réseau dénonce une rentrée qui, contrairement à ce qui avait été annoncé, n’est absolument pas sereine. Il rappelle plusieurs faits :
- le conseil constitutionnel a déclaré anticonstitutionnel l’enseignement immersif en mai 2021,
- le rapport de Yannick Kerlogot et Christophe Euzet ne résout pas ce problème d’inconstiutionnalité,
- l’existence d'un rapport sur l’enseignement immersif en langue bretonne à Diwan, rédigé en 2019 par 2 inspecteurs généraux de l'éducation nationale, Yves Bernabé et Sonia Dubourg-Lavroff, qui était jusque-là resté confidentiel, a été révélé, et celui-ci, tout en reconnaissant la qualité et l’efficacité de l’enseignement dispensé dans les établissements Diwan ainsi que de la pédagogie par immersion, préconise de réduire le nombre d’heures dispensées en breton sur le temps scolaire et passer au crible de la légalité les contrats d’associations liant Diwan et l’Éducation nationale,
- la mise en pratique de ce rapport signifierait, ni plus ni moins, la fin de Diwan, et, les conclusions de ce rapport pouvant s’appliquer à l’enseignement immersif pratiqué dans n’importe quelle filière d’enseignement, leur mise en application permettraient de mettre également fin aux les pratiques immersives dans l’enseignement bilingue public,
- le Conseil régional de Bretagne n’a pas dit un mot face à cette nouvelle attaque contre ce qui est devenu un des symboles de la Bretagne.
Aussi, le réseau s’inquiète de savoir si les élus du Conseil Régional demanderont la mise au panier de ce document comme préalable à la discussion avec l’État sur la nouvelle convention État-Région autour de la transmission des langues de Bretagne. Il regrette également de n’avoir guère entendus ces élus sur les difficultés rencontrées à la rentrée. Et les constatations à ce sujet rendent l’inquiétude d’autant plus vive :
- l’enseignement bilingue public est en proie à de multiples difficultés, comme les fermetures, les projets d’ouvertures non aboutis, les difficultés de recrutement, qui touchent aussi bien le primaire, à Cleden-Poher, Cléder, Morlaix, Languidic, Montfort-Sur-Meu, Ploezal-Runan, que les collèges, à Callac, Plouha, Lanmeur, Plœmeur, St-Brieuc, et les lycées, à Guingamp et Morlaix,
- en contradiction avec la loi Molac, qui a pourtant été promulguée, l’Éducation nationale ne respecte pas la continuité pédagogique dans le secondaire pour le bilingue public,
- parmi les établissements Diwan, les classes des collèges de Plésidy et du Releg-Kerhuon sont surchargées (jusqu’à 40 élèves par classe), notamment parce qu’y sont accueillis les élèves de la filière bilingue publique, pour qui l’État n’applique pas le principe de la continuité pédagogique,
- de nombreuses mairies s’exonèrent du versement du forfait scolaire aux établissements Diwan accueillant des enfants de leurs communes.
Le réseau rappelle, qu’en juin dernier, à l'occasion de l’arrivée de la Redadeg, près de 15 000 bretons défilaient dans les rues de Guingamp pour s’opposer à la décision du Conseil constitutionnel censurant en partie la loi Molac sur les langues dites régionales, et déclarant l’enseignement immersif anticonstitutionnel. Il rappelle aussi qu’a eu lieu, par la suite, une série de mobilisations en faveur de l’enseignement en langue bretonne dans toutes les filières et d’une Convention État-Région pour la transmission et l’usage des langues de Bretagne ambitieuse et à la hauteur des attentes des bretons.
De plus, le réseau souligne que Conseil régional de Bretagne a été élu en promettant « plus de Bretagne et moins de Paris », comme l’indiquait sont président Loig Chesnais-Girard, et que tout le personnel politique désormais élu dans les majorités départementales et régionale était venu manifester à Guingamp et s’était engagé pour la langue bretonne. Il proclame que langue bretonne doit vivre, et les filières d’enseignement se développer, en toute sérénité sans être victime ni d’une austérité budgétaire, ni d’incompétences, ni d’une hostilité de de la part de l’État central.
La vie de la langue concerne tout le monde, et particulièrement les écoles, les collèges, les lycées, les élèves, leurs parents, les enseignants de toutes les filières, les titulaires, ASEM et non-enseignants, le personnel administratif, salariés de centres culturels et ententes de pays, de l’Office publique de la langue bretonne, des centres de formations professionnelles, des cours du soirs, des centres de loisirs, des crêches, les personnels de radios, les journalistes TV, les acteurs de la filière audiovisuelle et cinématographique, les compagnies de théâtres, les stagiaires. Aussi, les membres du réseau demandent :
- la continuité pédagogique dans le secondaire dans le public bilingue et la mise à disposition de personnel pour surmonter les difficultés listées dans le primaire,
- l’augmentation de la dotation globale horaire pour les collèges Diwan de Plesidy et du Relecq-Kerhuon et pour le lycée de Carhaix, qui doivent pouvoir embaucher et dédoubler les classes,
- le versement effectif du forfait scolaire par toutes les communes à Diwan ce qui permettra d’améliorer les statuts des personnels non enseignants et les conditions de travail,
- l’augmentation du nombre de postes aux concours d’enseignants bilingues dans le privé, dans le public et à Diwan, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire,
- une offre accrue de matières enseignées en langue bretonne dans les filières bilingues, au collège comme au lycée,
- une condamnation claire et sans équivoque par la Région Bretagne des préconisations du rapport de Yves Bernabé et Sonia Dubourg-Lavroff, qui condamne l’immersion et vise à liquider Diwan,
- une communication par la Région Bretagne du contenu du projet de convention État-Region sur la politique linguistique qui n’a pas avancé depuis février 2021,
- une communication du Conseil régional de Bretagne sur la piètre et décevante contribution de Yannick Kerlogot et Christophe Euzet qui envisagent l’État central comme seul organisateur de la compétence d’enseignement bilingue,
- l’augmentation du nombre de matières pouvant être passées en langue bretonne au diplôme national du brevet et au baccalauréat, comme le réclament, en autres, les collégiens et les lycéens de Diwan,
- le droit de pouvoir pratiquer l’enseignement immersif en breton dans toutes les filières, comme cela est possible au Pays Basque nord où l’académie de Bordeaux vient de valider l’ouverture de quatre classes bilingues publiques immersives,
- le retour de l’enseignement du breton à l’université de Nantes et la contractualisation de l’école Diwan de Saint-Herblain qui aurait déjà dû être réalisée,
- l’augmentation significative du budget de la langue bretonne par le Conseil régional de Bretagne, condition indispensable au développement des activités en breton, notamment par la création de postes, étant donné que la présence de la langue sur le terrain et les propositions d’activités pour tous les publics sont indispensables à une politique linguistique cohérente,
- l’engagement d’une communication ambitieuse à l’échelle de la Bretagne (pays Nantais inclus) pour revaloriser l’image de la langue.
Les enjeux sont d’importance. Il ne s’agit pas seulement de la survie de la langue bretonne, mais également d’emploi et d’économie. Et la langue bretonne n’est pas bénéfique pour l’économie seulement parce qu’elle est créatrice d’emplois et offre de nouvelles opportunités à divers secteurs d’activités, mais aussi parce que la valorisation de la langue et de la culture autochtones a un impact positif sur l’estime de soi, dont le rehaussement entraine une meilleure productivité, stimule le développement de la créativité et peut se révèler indispensable pour entreprendre.
Note :
- Évènement, publié par Rouedad ar brezhoneg, sur Facebook.
- « Carhaix. "Betek an trec'h", "jusqu'à la victoire" : les défenseurs des emplois en breton mobilisés ce mercredi », Carole Collinet-Appéré, France 3 Bretagne, 22 septembre 2021, 18 h 28, mis à jour le 23 septembre 2021 à 8 h 36.