Justice pour nos langues !

Le combat pour une réelle équité
dans les modalités d’examen du brevet continue

Lors de l’examen du brevet, les sujets et les documents qui y sont liés seront désormais fournis en français, même pour les candidats composant dans une langue autochtone. À l’origine de ce changement se trouverait Anne Bisagni-Faure, la rectrice de l’académie de Bordeaux, sans que cela n’ôte cependant à Gabriel Attal la responsabilité de cette décision. Après les courriers, les protestations, les communiqués et articles de presse, les demandes d’audience et les rassemblements, le gouvernement persiste à faire la sourde oreille, et c’est à présent une manifestation qui se prépare.

Dorénavant, pour le diplôme national du brevet, « les sujets et les documents d’accompagnement des sujets ne sont pas traduits en langue régionale et demeurent en français ». Cette nouvelle directive a été adressée à tous les rectorats, directions académiques des services de l’éducation nationale et chefs d’établissement, et signée du directeur général de l’enseignement scolaire, Edouard Geffray. Les services de la direction générale de l’enseignement impliqués sont notamment, et d’une bien curieuse manière, en charge de « l’accompagnement des politiques éducatives » et de « l’action pédagogique ».

Les réponses ne se sont pas fait attendre : courrier d’Olivier Pasquetti, président de la Felco, au ministère1, réaction de Seaska2, communiqué de la Felco3, demande d’audience à la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castera par la Felco4, lettre du collectif Pour que vivent nos langues au Premier ministre, Gabriel Attal, avec copie à Amélie Oudéa-Castera5, rassemblement à Pau avec interpellation du Premier ministre et de la ministre de l’Éducation nationale par les représentants de onze associations6. Pour les acteurs de l’enseignement en langue autochtone, la nouvelle ne passe ni sur le fond ni sur la forme.

Il faut dire que le contenu de la missive ayant pour objet le « cadre réglementaire pour l’utilisation des langues régionales dans le cadre du diplôme national du brevet » est pour le moins paradoxal. Le recul par rapport à l’existant y est présenté comme un rappel des modalités de l’examen. Le changement prévu rend clairement la composition en langue autochtone moins attractive, alors qu’il est affirmé que « la valorisation des langues régionales constitue un élément clé de la politique publique des langues menée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse ». Et la nouvelle consigne pénalisant les élèves composant en langue autochtone est exposée tout en énonçant l’objectif de « respecter l’équité de traitement pour tous les élèves lors des examens ».

Ces nouvelles dispositions relatives aux modalités de l’examen feraient suite à une demande de la rectrice de l’académie de Bordeaux, Anne Bisagni-Faure7. Pour rappel, Anne Bisagni-Faure est aussi présidente du Collège langues vivantes régionales du Conseil supérieur des langues, ce Conseil supérieur des langues ayant notamment pour vocation d’élaborer des politiques linguistiques adaptées aux spécificités des territoires8. S’il s’avère que les positions de l’intéressée vont, en tant que rectrice d’académie, à l’encontre des langues autochtones, il devient alors difficile de comprendre la cohérence du choix d’Anne Bisagni-Faure de poursuivre ses activités à la tête du Collège langues vivantes régionales.

D’autre part, même si l’initiative, ainsi qu’il a été avancé, ne venait pas du cabinet de Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, cela ne dédouanerait pas ce dernier pour autant. Les nouvelles dispositions ont été prises en son nom ; la lettre visant à les mettre en place a, en effet, été signée « pour le ministre et par délégation ». En tout état de cause, Gabriel Attal semble bien en accord avec ces consignes, puisque, près de deux mois après leur diffusion, il n’a toujours pas entrepris de les faire annuler, il n’a pas même exprimé le moindre désaccord, et il n’a apparemment réagi d’aucune manière, n’ayant effectué ni sanction, ni rappel à l’ordre. Anne Bisagni-Faure semble donc pouvoir continuer à faire obstacle aux langues autochtones depuis son poste de rectrice de l’académie de Bordeaux tout en présidant le Collège langues vivantes régionales du Conseil supérieur des langues, sans que cela ne pose problème au gouvernement.

Il va de soi que la mobilisation pour la tenue d’examens organisés dans un réel respect de l’équité n’est pas terminée. Le collectif Pour que vivent nos langues a d’ailleurs déjà annoncé la prochaine action9. Une manifestation de lycéens est prévue le mercredi 7 février 2024 à 12 heures place Edouard Herriot à Paris, devant l’Assemblée nationale. Et, ce jour-là, à 14 heures, cinq lycéens et lycéennes seront auditionnés par les députés membres du groupe d’études “Langues et Cultures régionales” de l’Assemblée nationale.

Notes :

  1. 03-12-23 – Nouvelles dispositions pour le brevet (DNB). La Felco interpelle le ministère, par Marie-Jeanne Verny, Felco, 3 décembre 2023.
  2. Examens en basque : la traduction des consignes interdite au brevet, Seaska monte au créneau, par Morgane Heuclin-Reffait, France Bleu, 5 décembre 2023, 13 h 58.
  3. 18-12-23 – Au-delà des belles paroles ordinaires, la réalité de la politique du Ministère de l’Éducation nationale concernant les langues régionales, par Marie-Jeanne Verny, Felco, 18 décembre 2023.
  4. 15-01-24 – La Felco demande audience à la nouvelle ministre, par Marie-Jeanne Verny, Felco, 15 janvier 2024.
  5. Lettre au nouveau Premier ministre Gabriel Attal en charge de l’Éducation, Pour que vivent nos langues, 20 janvier 2024.
  6. Pau : les défenseurs publics et privés de l’enseignement en langues régionales unissent leurs voix pour les examens, par Pierre Penin, Sud Ouest, 24 janvier 2024, 19 h 34.
  7. Basques et Occitans forment un front uni contre les obstacles dans l’enseignement, Mediabask, 24 janvier 2024, 13 h 46.
  8. Le rôle du Conseil supérieur des langues en question, par Yann-Vadezour ar Rouz, Justice pour nos langues !, 3 février 2022.
  9. Langues régionales : Manifestation de lycéens devant l’Assemblée nationale le 7 février à 12 h, Pour que vivent nos langues, 25 janvier 2024.