Manifeste de Kanbo :
“Nouvelle impulsion à la politique linguistique”
Par Euskal Konfederazioa
Le 16 décembre 2023
Créé en 2004, l’Office public de la langue basque fêtera bientôt ses 20 ans.
La création de l’OPLB fut une étape importante dans la construction de la politique linguistique publique après des décennies de labeur par le seul mouvement associatif. En 20 années, beaucoup de choses ont été accomplies mais il reste encore beaucoup à faire.
Les dernières enquêtes sociolinguistiques montrent que la chute du nombre de bascophones a été stoppée. Mais avec un apport de population exogène toujours plus important, la proportion des bascophones ne cesse de diminuer : 22,5 % de bascophones en 2006, 19 % en 2022. Et selon les prospections de l’OPLB, en 2050 ce chiffre serait en-deçà de 16 %. Nous sommes loin des 30 % permettant d’assurer la survie d’une langue. Cet objectif devrait être la priorité de la politique linguistique publique.
Si le défi d’enrayer le déclin du nombre de locutrices et locuteurs bascophones a été gagné, il s’agit maintenant d’augmenter significativement la proportion : il en va de la place de la langue basque au sein de la société et des possibilités offertes aux bascophones de l’utiliser au quotidien.
D’ici 2050, la population du Pays basque Nord aura augmenté d’environ cent mille personnes. Des millions d’euros seront investis en termes d’infrastructures, de logements, de réseaux d’électricité, d’eau et de déchets pour accueillir ces nouveaux habitant.e.s.
En revanche, aucune réflexion n’est engagée qui permettrait d’aider les résidents actuels monolingues francophones et les nouveaux arrivants à apprendre et maîtriser la langue basque. L’enseignement de la langue basque, aux enfants comme aux adultes, n’est pas suffisamment accompagné, quand il n’est pas tout simplement entravé. Les moyens alloués aux secteurs des loisirs, de la petite enfance, des médias et, plus généralement, aux structures œuvrant à la transmission et l’usage de la langue basque, demeurent très insuffisants.
Les pouvoirs publics ne peuvent poursuivre comme actuellement. Ils ne peuvent plus se contenter non plus, comme avant 2004, de laisser la responsabilité de la politique linguistique sur les seules épaules du mouvement associatif, le plongeant plus encore dans la précarité. Par ailleurs, ne nous y trompons pas : l’avenir de la langue basque ne dépend pas uniquement de comportements individuels, c’est un véritable sujet de société dont les pouvoirs publics doivent s’emparer. La société civile du Pays basque Nord l’a démontré à maintes reprises.
La mission de l’Office public de la langue basque est de penser, définir et mettre en œuvre une politique linguistique publique concertée. À l’échelon du Pays basque Nord, mais aussi au sein de chaque partenaire institutionnel. Quelle est la planification linguistique actuelle de la Communauté d’agglomération Pays basque ? Celle du Département ? Celles de de la Région et de l’État ?
- L’Office public de la langue basque doit inciter ces acteurs à adopter des planifications linguistiques et à les appliquer. Il doit être le laboratoire d’une politique linguistique audacieuse co-construite et non un simple espace d’adoption d’un consensus mou permettant à ces différentes institutions de se défausser de leurs responsabilités.
- L’Unesco estime que le seul minimal de locuteurs pour qu’une langue soit considérée hors de danger d’extinction est de 30 %. L’OPLB doit procéder à une analyse des politiques de réappropriation linguistique instaurées de par le monde (Pays basque Sud, Québec, entre autres) puis proposer un plan de revitalisation de la langue basque, secteur par secteur.
- L’OPLB doit présenter une feuille de route permettant de passer de 19 % de bascophones à 30 %, en précisant année par année le gain du nombre de locutrices et locuteurs visé, par quel biais, et par classes d’âges. Une fois ces objectifs quantifiables fixés, des évaluations régulières devront être effectuées et, le cas échéant, il faudra procéder à des réajustements. La langue basque nécessite une véritable politique linguistique couvrant les champs de la transmission, de l’enseignement, de la motivation et de l’usage de la langue. Elle a besoin d’objectifs clairs, d’indicateurs d’évaluation précis et de moyens adéquats.
- La langue basque doit regagner l’espace public. En attendant une modification de l’article 2 de la Constitution française et l’officialité de la langue basque, le Pays basque Nord doit devenir territoire expérimental de revitalisation linguistique. Car sans langue basque, il n’y aura plus de Pays « basque ».
Le temps du bricolage est révolu. La langue basque aussi est en état d’urgence. Mais point de fatalité.
Des objectifs partagés, des moyens adéquats et un travail de concertation sérieux nous permettront de donner un bel avenir à la langue basque.
Source : « Manifeste du 16 décembre pour une nouvelle impulsion à la politique linguistique - Euskal Konfederazioa », par Euskal Konfederazioa, sur Facebook, 19 décembre 2023, 7 h 52.
En basque : « Abenduaren 16ko "Hizkuntza politika berrirako urratsak" Manifestua - Euskal Konfederazioa », par Euskal Konfederazioa, sur Facebook, 19 décembre 2023, 7 h 54.