Justice pour nos langues !

Réaction de Serge Letchimy à la suppression du créole
de la maquette de l’agrégation de langues de France
Publication du 15.10.2025, par Serge Letchimy

C’est avec une profonde indignation que je découvre la nouvelle maquette de l’agrégation des langues régionales : le créole en a été effacé. On parle d’un « ajustement technique ». Mais comment qualifier de « technique » ce qui ressemble tant à une mise à l’écart délibérée ? Derrière cette décision sèche et administrative, il y a bien plus qu’un simple oubli : il y a l’idée que notre langue peut être rayée d’un trait de plume, comme si elle n’était qu’un détail accessoire, une couleur locale dont on pourrait se passer, sans dommage ni conséquence.

Ce choix n’est pas une simple erreur administrative. C’est un acte de mépris institutionnel envers notre langue, le créole. Une langue qui n’est pas née dans les salons, mais dans les champs de canne, dans les cases, dans le souffle des esclaves qui ont refusé le silence imposé. Une langue forgée dans la douleur et la résistance, devenue aujourd’hui le cœur battant de notre identité collective.

En l’évacuant d’un concours national, on nous dit une fois de plus qu’elle ne vaut pas autant que les autres, qu’elle reste tolérée mais jamais pleinement respectée. Comme si elle n’était qu’un folklore dont on pouvait se passer. Pourtant, chaque mot créole est une cicatrice et une victoire. C’est la preuve que même dans les pires conditions, nos ancêtres ont inventé un langage pour survivre, se comprendre, résister.

L’exclure, c’est piétiner cette mémoire. C’est dire aux enseignants, aux étudiants, à tous ceux qui s’engagent pour la transmission du créole, que leurs efforts sont inutiles. C’est effacer d’un trait de plume une partie de nous-mêmes.

Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas d’un simple problème de programme, mais d’un problème de dignité. Défendre le créole, ce n’est pas défendre une option secondaire. C’est défendre le droit d’exister pleinement, de transmettre notre histoire et notre identité à travers notre propre voix.

Le créole n’est pas un ornement. C’est une langue de chair, de mémoire et de dignité. L’écarter de l’agrégation, c’est nous dire que notre identité peut encore être mise entre parenthèses. Et cela, nous ne pouvons pas l’accepter.

Source : « C’est avec une profonde indignation que je découvre la nouvelle maquette de l’agrégation des langues régionales : le créole en a été effacé », par Serge Letchimy, Facebook, 15 octobre 2025, 21 h 07.